Vincent Lambert: le Conseil d'Etat se prononce, quels sont les enjeux?

Une infirmière s'occupe d'un patient dans une salle de réveil à l'hôpital cardiologique de Lille, le 13 avril 2013. (Illustration) - -
Vincent Lambert, 38 ans, ancien infirmier en psychiatrie, est cloué dans un lit d'hôpital après un accident de la route en 2008. Depuis, sa famille se déchire et a porté l'affaire devant la justice, pour savoir si les soins qui le maintiennent artificiellement en vie doivent continuer à lui être prodigués ou non.
Le Conseil d'Etat, après avoir ordonné une ultime expertise médicale, doit faire connaître sa décision mardi à 16 heures. Réunie pour l'occasion dans sa plus haute formation de jugement, l'assemblée du contentieux composée de 17 juges, la haute juridiction administrative dira si elle suit ou non l'avis du rapporteur public, Rémi Keller, ce qu'elle fait généralement sans y être tenue.
> Le rapporteur public dénonce une "obstination déraisonnable"
Dans son argumentaire, le rapporteur public a notamment rappelé qu'une expertise menée par trois médecins à la demande du Conseil d'Etat avait conclu que Vincent Lambert était "en état végétatif totalement inconscient". Pour Rémi Keller, "l'alimentation et l'hydratation prodiguées à Vincent Lambert n'ont d'autres effets que de le maintenir artificiellement emmuré dans sa nuit de solitude et d'inconscience".
• Le rapporteur invoque l'"obstination déraisonnable". Estimant que les conditions d'une "obstination déraisonnable" étaient réunies, il a demandé au Conseil d'Etat de "constater que la décision d'interrompre le traitement" du patient était conforme à la loi du 22 avril 2005 sur la fin de vie, dite loi Leonetti, du nom du député UMP Jean Leonetti.
• Problème en l'absence d'expression de la volonté du patient. Les experts médicaux ont considéré qu'il n'était pas possible d'interpréter les réactions de Vincent Lambert comme un souhait d'arrêter ou au contraire de prolonger le traitement.
En revanche, a rappelé le rapporteur, Vincent Lambert avait, selon son épouse et un de ses frères, exprimé oralement "son souhait de ne pas être maintenu dans un état de dépendance", si cela devait lui arriver un jour. Ce que contestent ses parents, qui restent persuadés que leur fils "suit du regard, sourit et pleure".
• Pas de "droit de veto". "Si vous deviez interdire un arrêt de traitement au seul titre que des membres de la famille s'y opposent, vous leur donneriez un droit de veto que le législateur n'a pas voulu leur apporter", a pour sa part estimé le rapporteur public.
> Les parents pourraient se tourner vers la CEDH
Si le Conseil d'Etat décide mardi l'arrêt du traitement de Vincent Lambert, ses parents, qui demandent au contraire son maintien en vie, pourront encore saisir en urgence la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH), pour demander que cette décision de justice soit gelée, explique maître Patrice Spinosi, avocat spécialiste de la CEDH.
• Une possible atteinte au droit à la vie. "Si le Conseil d'Etat se range à la thèse du rapporteur public et décide l'arrêt des soins, les parents de Vincent Lambert pourront, parallèlement à un recours au fond, invoquer une atteinte au droit à la vie et demander à la Cour européenne d'imposer à la France, au titre de 'mesures provisoires', d'empêcher la mise à exécution de cette décision.
• Un recours à l'effet suspensif. En cas de recours, la décision du Conseil d'Etat resterait acquise mais son effet serait suspendu dans l'attente de la décision qui serait rendue sur le fond par la Cour européenne, dans un délai de deux ou trois ans. Pendant ce temps, aucune atteinte ne pourrait être portée au droit à la vie de Vincent Lambert".
• Vers une réforme de la loi Leonetti. Jean Leonetti et le député PS Alain Claeys ont été missionnés par le gouvernement pour proposer d'ici à la fin de l'année des aménagements à la loi de 2005 qui doit être réformée.
Mais le cas Vincent Lambert permet aussi une prise de conscience pour les aux personnes soucieuses d'anticiper leur fin de vie via des directives anticipées. Ce sont les souhaits que toute personne majeure peut formuler pour préciser les soins qu'elle voudrait en fin de vie au cas où elle ne pourrait plus communiquer. Depuis le début de la médiatisation du cas Lambert, ces demandes de formulaires se multiplient.