Viande de cheval : « Atterrée », la famille Spanghero témoigne

De nombreuses négligences ont été constatées au sein de la société Spanghero - -
Tous les regards se tournent sur la société Spanghero ce vendredi, dont l’agrément sanitaire a été suspendu avec effet immédiat. Accusée de tromperie par les autorités françaises, la société distributrice de la viande pour Findus savait que la viande qu'elle fournissait était du cheval. C'est le résultat de l'enquête de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).
Interrogé par RMC, Stéphane Le Foll, ministre de l'Agriculture affirme qu’il demandera une suspension de l’agrément de l’établissement au Préfet et qu’une brigade nationale vétérinaire diligentée va réaliser une expertise complète des procédures internes de Spanghero ». Le rapport, rendu la semaine prochaine, décidera d’un arrêt définitif ou pas de son agrément sanitaire.
A ce stade de l’investigation, tous les maillons de la chaîne sont vérifiés. Tout porte à croire que Spanghero savait que la viande achetée était de la viande de cheval et non de la viande de bœuf.
« C'était écrit sur les factures »
La mention "cheval" était écrite noir sur blanc sur les factures de Spanghero : le code douanier était bien celui de la viande de cheval, l'étiquette, elle, stipulait simplement "Roumanie, viande pas désossée". Mais difficile de croire à une simple négligence : Spanghero a importé 750 tonnes de viande par ce circuit, à prix bien en-dessous du marché. L'entreprise en a aussi elle-même transformé 200 tonnes pour ses plats cuisinés "la table de Spanghero" et la viande de cheval n'a pas la même couleur ni la même odeur que la viande de bœuf.
Comigel aussi aurait pu s'en apercevoir, l'entreprise qui fabriquait les fameuses lasagnes à la viande de cheval avec cette viande. Elle aurait aussi pu être alertée par l'étiquetage de Spanghero "bœuf Union Européenne", une mention non-conforme puisque l'étiquette doit stipuler le pays d'origine. Benoît Hamon a reconnu que la société avait été bernée. « Il s'agissait pour Comigel de la viande de bœuf », a indiqué le Ministre délégué à la Consommation. Cependant, à ses yeux, cette PME française s'est rendue coupable de « deux négligences en omettant des contrôles qu'elle aurait dû opérer dans son usine luxembourgeoise ».
« Le trader hollandais déjà condamné pour trafic de viande »
Des soupçons de fraude pèsent également sur le trader hollandais qui a importé la viande de Roumanie, dont le siège, installé à Chypre, a livré l'entreprise Spanghero. La Roumanie assure que la viande sortant de ses abattoirs était étiquetée avec la mention ‘cheval origine Roumanie’, pas de raison d'en douter selon la France. Mais elle est seulement estampillée ‘Roumanie, viande’, lorsque le trader néerlandais qui achète cette viande, l'envoie chez Spanghero. Aucune précision donc sur du cheval ou du bœuf lorsqu'elle quitte les Pays-Bas. Se pose alors la question d'un premier réétiquetage dans les entrepôts frigorifiques du trader. L’homme en question assure qu'il n'a pas changé l'étiquette, qu'il savait qu'il achetait du cheval et qu'il le vendait comme tel à Spanghero. Mais il a déjà été condamné pour trafic de viande. Les Pays-Bas devraient rendre les conclusions de leur enquête rapidement.
« Nous ne sommes pas responsables. Nous sommes atterrés »
A Castelnaudary, dans l'Aude, c’est un coup de tonnerre. Le siège de l'entreprise Spanghero emploie 280 salariés, qui seront sur le site malgré la suppression d'un des trois agréments. Syndicats et responsables du Groupe se retrouvent ce matin pour un comité d’entreprise exceptionnel. La nouvelle s'est vite propagée dans le centre commercial de cette commune de 11 000 habitants, pour lesquels c’est un vrai « coup dur ». L’un des frères Spanghero, anciens dirigeants du groupe, Walter Spanghero évoque un « traumatisme » : « Je pense beaucoup aux personnes encore dans l’entreprise et qui vont avoir des problèmes ; aujourd’hui trouver du travail est difficile. Je leur souhaite des lendemains heureux ».
La famille Spanghero, fondatrice de la société en 1970 et qui a revendu cette entreprise en 2008, a une nouvelle fois tenté de laver son nom sali par le scandale en organisant une conférence de presse. Laurent Spanghero a du mal à retenir ses larmes : « Nous sommes atterrés par ce qui se passe. Nous ne sommes pas responsables ; ça me révolte. J’ai défendu les couleurs de la France en tant que jeune officier en Algérie ». Il pense à ses petits-enfants : « Que va-t-on dire demain quand ils vont passer dans la rue ? On va dire "c’est un Spanghero", vous rendez-vous compte de ce qui nous arrive aujourd’hui ? ».
Le président de Spanghero, Barthélémy Aguerre, désigné par le gouvernement comme principal responsable dans le scandale, a de nouveau plaidé vendredi la bonne foi de la société et qualifié le ministre de la Consommation Benoit Hamon de « très léger » et « extrêmement imprudent » dans ses annonces de jeudi. Le président de la société a ajouté : « Il met en danger 300 personnes qui travaillent chez Spanghero, sans aucune preuve ».