Un journaliste du "Monde" mis sur écoute par une juge

Les conversations d'un journaliste du Monde ont été écoutées pendant un mois par la police, sur ordre d'une juge, révèle lundi le quotidien. - -
C'est une affaire à retardement. Les conversations d'un journaliste du Monde ont été écoutées pendant un mois par la police, sur ordre d'une juge, révèle lundi le quotidien.
Les faits remontent à 2009 mais, comme l'indique Franck Johannès dans Le Monde daté de mardi, les avocats du journal n'en ont eu vent qu'en juillet dernier, quand ils ont pu accéder au dossier.
Le grand quotidien du soir doit déposer cette semaine une requête en nullité devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris.
A l'origine de l'affaire, un article sur le "gang des barbares", signé Piotr Smolar et Gérard Davet, publié le 21 mars 2006 dans les colonnes du Monde, intitulé "Meurtre d'Ilan Halimi: le récit des geôliers". On y découvre le calvaire du jeune Ilan Halimi, enlevé et torturé pendant trois semaines par la bande de Youssouf Fofana, parce qu'il était juif. Le papier s'était appuyé sur les auditions des suspects devant la brigade criminelle.
"Violation du secret de l'enquête et de l'instruction"
Or, une des personnes citées dans l'article et condamnée à quinze ans de réclusion, a déposé plainte avec constitution de partie civile le 10 avril 2006, arguant qu'"eu égard à la précision des propos rapportés par les journalistes, ceux-ci avaient nécessairement eu communication en violation du secret de l'enquête et de l'instruction de procès-verbaux issus de l'enquête".
La juge Michèle Ganascia, chargée du dossier, saisit alors l'IGS; le commandant de la police des polices obtient la liste des appels des deux journalistes auprès du directeur de France Télécom. Cela lui permet d'établir un lien entre les journalistes et l'avocat de la jeune femme, qui a eu accès au dossier juste avant la parution de l'article.
Par une commission rogatoire du 26 février 2009, la juge décide alors de faire placer le co-auteur de l'article, Gérard Davet, sur écoute pendant un mois. Le commandant de l'IGS écoute ainsi toutes les conversations du journaliste. "Il a tout entendu de ses contacts, alors que le reporter travaillait sur d'autres affaires sensibles, il n'a rien ignoré de ses coups de fil à sa femme, avocate, et dont le statut est également protégé, à ses enfants, à son plombier, à son journal", relate Franck Johannès dans son papier.
Une entorse au secret des sources
Après avoir auditionné Gérard Davet, qui avait invoqué le secret des sources, la juge a prononcé un non-lieu le 16 juillet 2010. La cour d'appel a cependant ordonné la poursuite de l'information, qui a été confiée à une autre juge, Saïda Kelati.
Le 4 juillet dernier, Gérard Davet a été entendu sous le statut de témoin assisté. L'un des avocats du Monde a alors découvert les écoutes, en consultant le dossier du journaliste.
Le Monde indique que "le parquet de Paris a réclamé un non-lieu le 23 août, faute de charges suffisantes et vu les atteintes au secret des sources". Les avocats du journaliste et du quotidien vont déposer une demande en nullité de la procédure, avant de pouvoir déposer plainte à leur tour.