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"Trop d'errements": au procès de Monique Olivier, l'audition des enquêteurs très attendue

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De nombreux enquêteurs vont être entendus tout au long du procès de Monique Olivier. Pour les parties civiles, et notamment la famille d'Estelle Mouzin, il s'agit de comprendre comment le couple diabolique est resté sous les radars pendant plusieurs décennies.

Marie-Angèle Domece a été tuée il y a 35 ans, Joanna Parrish il y a 33 ans. Estelle Mouzin a disparu il y a 20 ans. La justice a-t-elle mis trop de temps à résoudre ces trois meurtres pour lesquels Monique Olivier comparaît pour complicité devant la cour d'assises des Hauts-de-Seine. Ce jeudi 30 novembre, les premiers enquêteurs français qui ont travaillé sur ses dossiers vont être entendus, suivront d'autres auditions de policiers et de gendarmes au fil des débats. Et forcément les familles des victimes ont des questions à leur poser.

Les parties civiles le savent, il s'agit du procès de Monique Olivier. La justice doit passer et doit la "condamner à la hauteur du crime commis", estimait il y a quelques semaines Éric Mouzin, le père d'Estelle. Mais évidemment, derrière cet enjeu restent de nombreuses questions que se posent encore les familles des victimes, à commencer par savoir si leurs affaires auraient pu être résolues plus tôt. Si des dysfonctionnements n'ont pas empêché Michel Fourniret, décédé en 2021, de répondre de ses crimes devant une cour d'assises. Si Claude Domèce, père de Marie-Angèle, mort à une semaine de ce procès, n'aurait pas pu connaître l'épilogue de la disparition de sa fille.

"Ce procès, ce n’est pas le procès de la justice, ni le procès de Michel Fourniret, même si le procès tel qu’il est, est la démonstration de toutes les erreurs qui ont été faites", tranche Éric Mouzin.

Des enquêteurs interrogés

Dè le premier jour du procès, la tension autour des auditions des enquêteurs qui ont travaillé sur ces affaires depuis le début se ressentait. Deux enquêteurs belges, cités par les parties, ne sont plus en capacité de se présenter devant la cour d'assises en raison, notamment, de leur âge avancé. "On passe outre, nous n'avons pas le choix", déplorait alors Me Richard Delgènes, l'avocat de Monique Olivier.

Marie-Angèle Domèce disparaît le 8 juillet 1988 à Auxerre. Une enquête est menée dans le secteur pour retrouver la jeune fille de 19 ans, handicapée mentale. Faute d'éléments, l'information judiciaire est clôturée. L'affaire est relancée en 2003, la piste étudiée est celle d'Émile Louis, le profil de Marie-Angèle Domèce correspond aux victimes du "boucher de l'Yonne" condamné en 2004 pour sept meurtres. La piste est pourtant vite abandonnée.

Michel Fourniret est interpellé à la même époque, en 2003 en Belgique après une tentative d'enlèvement d'une fillette. Il est confondu pour plusieurs crimes après les aveux de Monique Olivier. D'ailleurs la femme et complice du tueur évoque l'enlèvement, le viol et le meurtre d'une jeune femme de 18/19 ans à Saint-Cyr-les-Colons, dans l'Yonne, et des faits similaires concernant une jeune fille de 20 ans près de la gare d'Auxerre. Les enquêteurs pensent à Marie-Angèle Domèce et Joanna Parrish, autre jeune fille dont le meurtre en mai 1990 était resté également inexpliqué.

"Dès le premier jour, magistrats et enquêteurs sont convaincus que Michel Fourniret n'en est pas à son coup d'essai"", a témoigné mardi une enquêtrice belge.

Car à la fin des années 80, Michel Fourniret et Monique Olivier, qui viennent de se rencontrer, sont installés dans l'Yonne. Le tueur vient d'être libéré de prison où il purgeait une peine pour viol. "C'est la période où se situent les disparitions et les meurtres de Marie-Angèle Domèce - le troisième meurtre de Michel Fourniret et Monique Olivier - et puis Johanna Parrish, qui est le septième meurtre", précise Me Didier Seban, qui représente les familles des victimes.

"La première personne que nous avons demandé à auditionner, c'est un inspecteur des services judiciaires, pointe Me Didier Seban. Il avait rendu un rapport qui expliquait que la justice dans l'Yonne avait résolu 0% des meurtres de femmes à l'époque. Et qu'aucune des affaires n'avait été élucidée."
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La piste Fourniret délaissée?

Après ses aveux, Monique Olivier se rétracte, évoquant des violences subies pendant ses auditions. "On se posera la question de ce qui a pu se passer lors de cette fameuse garde à vue, explique le conseil. Quand, après avoir avoué deux fois les meurtres de Joanna Parrish et Marie-Angèle Domèce, Monique Olivier va revenir sur ses aveux, c'est ce qui fera que ces deux affaires ne seront pas jugées à Charleville-Mézières (le premier procès du couple en 2008, NDLR)."

En 2007, le tueur avait lié les dossiers Parrish, Domèce et Mouzin dans un courrier adressé au parquet général de Reims demandant à être jugé pour ces faits. Michel Fourniret, un temps mis en examen dans ces deux affaires, bénéficie alors d'un non-lieu en 2011. "À l’époque, Michel Fourniret n’était pas un coupable potentiel, déplore l'avocat. Il a fallu l’intervention de la juge d'instruction Sabine Khéris pour que Monique Olivier puisse être entendue. C’est ce qui a marqué le début de l’implication du couple Fourniret-Olivier."

Le dossier, sous l'impulsion de Mes Didier Seban et Corinne Hermann, est rouvert et transféré à Paris sur la base de confidences faites depuis par Monique Olivier à une codétenue. La juge d'instruction Sabine Khéris réentend Monique Olivier et Michel Fourniret qui, en 2018, avoue les deux meurtres.

À la même époque, Monique Olivier reconnaît avoir menti pour fournir un alibi à son mari pour le meurtre d'Estelle Mouzin le 9 janvier 2003 à Guermantes. Là encore, le tueur finit par avouer. Mais le corps de l'enfant n'a pas encore été découvert, et ce malgré les indications du couple.

Une plainte contre l'État

Éric Mouzin, le père d'Estelle, plus jeune victime du couple Fourniret-Olivier, a porté plainte contre l'Etat en 2019 pour "faute lourde". Il estime que tous les moyens n'ont pas été mis en place pour rechercher la fillette. Le procès de Monique Olivier sera la base pour faire avancer cette procédure parallèle.

En 2004, les enquêteurs belges donnent leur conviction que Michel Fourniret peut être impliqué dans d'autres enlèvements et meurtres de jeunes filles. En 2006, le procureur de Charleville-Mézières, qui a requis contre Michel Fourniret, adresse une lettre à sa hiérarchie listant plusieurs éléments permettant de suspecter dans la disparition d'Estelle.

À l’époque, les enquêteurs de la SRPJ de Versailles répondent à la famille, qu'à 99%, il est impossible que l'"ogre des Ardennes" soit l'auteur de ces faits. "Pourquoi avoir tout fait pour que ça ne soit pas Fourniret? Il y avait les éléments pour avancer mais il y a eu trop d'errements judiciaires et policiers, regrette Me Seban. Tous les enquêteurs seront là au procès, nous les interrogerons sur ces errements."

https://twitter.com/justinecj Justine Chevalier Journaliste police-justice BFMTV