Trafics, violence des mineurs... En Guadeloupe, les magistrats alertent sur le manque de moyens de la justice

La justice représentée. (Photo d'illustration) - Michael Coghlan - CC - Flickr
Ils alertent sur l'augmentation de la criminalité dans les Antilles et sur le manque de moyens pour y faire face. Lors d'une conférence de presse "inédite", le procureur général et le président de la Cour d'appel de Basse-Terre ont tiré la sonnette d'alarme ce mardi 17 juin, évoquant une "vague de criminalité extrêmement violente" qui touche actuellement la Guadeloupe et les îles du Nord.
Les deux magistrats avancent des chiffres: au 15 juin dernier, on comptait 27 homicides en 2025, contre 33 sur toute l'année 2024. Des résultats qui classent selon eux la Guadeloupe au deuxième rang national pour les crimes de sang par rapport au nombre d'habitants.
"Si on élargit la focale aux violences intrafamiliales, on est au deuxième rang national. Pour les violences sexuelles, on est au troisième rang", indique encore le procureur général, Éric Maurel.
"Il y a un mur de délinquance qu'il nous faut surmonter", constate de son côté Michaël Janas, premier président de la Cour d'appel.
Violences des mineurs
Le territoire de la Guadeloupe ayant des frontières "extrêmement poreuses", selon les mots des chefs de cette juridiction, les autorités constatent une augmentation importante du trafic de stupéfiants et d'armes venant des Etats-Unis, d'Haïti ou encore de Porto Rico. "Jusqu'à maintenant, on trouvait des armes de poing. Depuis quelque temps, on trouve des armes de guerre. Les gangs s'arment de manière significative", ajoute Éric Maurel.
Les chefs de la Cour d'appel de Basse-Terre parlent d'une évolution des réseaux vers des "structures mafieuses", des "gangs" puissants qui n'hésitent pas à recruter des mineurs dans leurs rangs, expliquent-ils.
"On voit que les groupes criminels (...) semblent évoluer vers des structures mafieuses qui utilisent de très jeunes mineurs", détaille Éric Maurel.
Ces mineurs, "fascinés par ce qu'ils peuvent voir sur les réseaux sociaux" et "attirés par les gangs", parviennent à se procurer des armes très facilement, poursuivent-ils, évoquant un "fléau sociétal".
"Il y a une aggravation significative de la violence des mineurs, les armes circulent partout, sont extrêmement faciles à acheter et pas chères. Au regard de leur immaturité et de leur impulsivité, ils tirent très vite et tuent", ajoute le procureur. "Ce rajeunissement est une source de grande inquiétude", commente le président Michaël Janas. Rien qu'en 2023, la délinquance des mineurs avait bondi de 35% en Guadeloupe et dans les îles du Nord.
Manque de magistrats
Face à ces augmentations, difficile pour les magistrats de tenir la route: on dénombre seulement cinq juges d'instruction du ressort de la Cour d'appel de Basse-Terre. En moyenne, ces juges "ne peuvent consacrer que deux jours par affaire", explique Michaël Janas. "Ce nombre n'est pas suffisant pour avancer" et démanteler des réseaux.
Aujourd'hui, de nombreux dossiers criminels passent devant un tribunal correctionnel au lieu d'être jugés aux assises, faute de moyens. Le président de la Cour d'appel demande la création d'une deuxième Cour d'assises pour éviter le recours massif à la correctionnalisation.
"Il faut recruter des juges d'instruction, des procureurs, des présidents de Cour d'assises. Il faut que nous fassions face ensemble pour lutter contre l'augmentation de cette délinquance violente", appelle-t-il enfin.