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TOUT COMPRENDRE - Après Sainte-Soline, l'autoroute A69? Pourquoi des écologistes manifestent ce samedi

Des manifestants contre le projet d'autoroute A69 le 23 octobre 2022

Des manifestants contre le projet d'autoroute A69 le 23 octobre 2022 - CHARLY TRIBALLEAU / AFP

Des associations de protection de l'environnement appellent à manifester ce week-end contre un projet d'autoroute dans le Tarn. Les autorités ont déjà prévu des mesures renforcées "pour garantir l'ordre public".

"Une aberration." Trop peu d'usagers quotidiens, destruction de la biodiversité, dégradation de la qualité de l'air... Quatre associations écologistes appellent ces samedi et dimanche à manifester dans la Tarn contre le projet d'autoroute A69 entre Castres et Toulouse. Un mois après la mobilisation contre les méga-bassines de Sainte-Soline (Deux-Sèvres) - et les débordements qui en ont découlé - cette manifestation met les autorités sur le qui-vive, craignant des dégradations sur le chantier.

• Qu'est-ce que ce projet?

54 kilomètres de discorde. Ce projet, dans les tuyaux depuis de nombreuses années, s'est officiellement concrétisé en avril 2022 quand la société Atosca, filiale du groupe NGE, a reçu le contrat définitif de concession de l'autoroute.

Ce tronçon d'autoroute, coûtant 500 millions d'euros, doit ainsi relier Castres (Tarn) à Verfeil (Haute-Garonne), soit l'autoroute A68, située à l'est de Toulouse, à la rocade de Castres, et ce à l'horizon de 2025. Les autorités publiques et Atosca ont justifié le projet par un besoin de désengorgement des axes autour de ces deux villes, en les rendant également plus sûrs.

"Avec des trajets plus sûrs diminués de 25 à 35 minutes, l’A69 va restreindre le trafic autour des zones urbanisées", a assuré Atosca.

• Pourquoi est-il si contesté?

Les associations de protection de l'environnement ont très vite critiqué le projet, d'abord à un niveau local, avant de s'étendre à tout le pays. Elles jugent le chantier inutile et destructeur de l'environnement.

Le 12 septembre dernier, le Conseil national de la protection de la nature a émis un avis défavorable au projet, justifiant une "contradiction avec les engagements nationaux en matière de lutte contre le changement climatique, d'objectif du zéro artificialisation nette et du zéro perte nette de biodiversité".

L'association La voie est libre (LVEL) s'est emparée, la première, du dossier avant d'être rejointe par Extinction Rebellion, les Soulèvements de la Terre ou encore la Confédération paysanne du Tarn.

"Il va y avoir des menaces sur les nappes phréatiques du Tarn, des destructions d’environnements d’animaux sauvages, énormément de terres agricoles qui vont être artificialisées", a indiqué à BFMTV Sandra, membre du collectif Extinction Rébellion.

Ce jeudi matin sur France Inter, le journaliste-activiste Hugo Clément a avancé que des "milliers d'arbres" allaient être rasés, loin des chiffres revendiqués par les responsables du chantier.

"Nous allons être amenés à couper à peu près 200 arbres d’alignement, mais nous allons en replanter 400 au total dans notre projet", a clamé Martial Gerlinger, directeur général de la concession Atosca, en charge du projet.

Récemment, le Conseil d'État, saisi par France Nature Environnement (FNE), a retoqué une requête d'arrêt des abattages d'arbres sur le tracé.

• Que prévoient les organisateurs pour ce week-end?

"Tant que nous serons là, l'A69 ne passera pas! Soyons des milliers à nous retrouver le 22 et 23 avril prochain, pour un grand pot de départ du concessionnaire", ont communiqué les organisateurs.

Pour accueillir les milliers de manifestants, un camp a été mis en place dans la commune de Saix (Tarn) mercredi. "Les quatre organisateurs de la manifestation (...) se réjouissent de pouvoir établir ce lieu de vie, d'échanges et de fête dans la perspective du temps fort de samedi", ont-ils précisé.

Ce week-end, les organisateurs locaux, dans des communiqués, disent vouloir un événement non-violent, "festif, convivial et informatif" et rejettent l'idée de la création d'une ZAD, a appris BFMTV.

François-Xavier Lauch, le préfet du Tarn, a également écarté tout projet de ZAD de la part des opposants au projet: "cela fait partie des objectifs que j'ai partagé avec les organisateurs qu'à la fin de cette manifestation déclarée il n'y ait pas d'occupation".

Ils ont d'ailleurs déclaré la manifestation mercredi auprès de la préfecture du Tarn "au nom de la confédération paysanne du Tarn et d'Attac Tarn". Mais, ce jeudi après-midi, le préfet du Tarn a jugé cette déclaration "imprécise" car "elle ne comporte ni parcours suffisamment précis, ni lieu de départ, ni lieu d’arrivée, ni précisions sur les mesures de sécurité mises en œuvre par les organisateurs".

• Pourquoi les autorités ne craignent-elles pas un nouveau Sainte-Soline?

C'est bien sur l'aspect sécuritaire que les autorités se penchent depuis plusieurs semaines, l'épisode chaotique de Sainte-Soline restant encore dans toutes les têtes.

Dans son communiqué, le préfet a annoncé un premier dispositif de sécurité renforcé par les "imprécisions" de l'événement à venir: des gendarmes locaux, huit unités de forces mobiles en renfort, des moyens spéciaux "classiquement engagés sur ce type de manifestation", un dispositif de secours composé de 79 sapeurs-pompiers, de personnels de Samu et d'associations de sécurité civile.

Mais, dans une note des renseignements que BFMTV a pu consulter, on comprend que la manifestation ne s'annonce pas du tout comme celle de Sainte-Soline en mars.

"Je ne crois pas qu'on soit dans la même situation que Sainte-Soline", a réaffirmé le préfet du Tarn sur BFMTV vendredi soir. "Sur les 2000 personnes attendues, nous pensons qu'il puisse y avoir 150 à 200 personnes qui aient des intentions violentes", a-t-il ajouté.

À Sainte-Soline, les autorités ont dénombré 8000 manifestants (25.000 selon les organisateurs) et 1000 manifestants radicaux. 

Les renseignements envisagent donc moins de violences même si "des dégradations ou des sabotages isolés" pourraient être commis et que les entreprises qui participent à l'autoroute seront évidemment particulièrement ciblées. Ils envisagent aussi des actions de désobéissances civiles.

Théo Putavy