BFMTV
Police-Justice

Tortures en colocation: le poignant récit de la victime aux assises

BFMTV
Deux hommes et deux femmes sont jugés depuis lundi devant la cour d'assises du Pas-de-Calais, à Saint-Omer. Ils sont soupçonnés d'avoir torturé leur colocataire en 2012, durant plusieurs mois.

Brûlures à l'acide, coups dans les côtes, ordre de manger des excréments, sac sur la tête... "Ca devenait un jeu", a lâché Carole, mardi aux assises du Pas-de-Calais, à propos de ses quatre tortionnaires présumés, dont elle a partagé l'appartement de février à septembre 2012.

Cette petite femme de 40 ans aux cheveux blonds et courts a beau raconter avec une bonhomie et un détachement affectés les sévices subis, l'intensité du procès à Saint-Omer est montée de plusieurs crans mardi. Fabrice, le présumé meneur des agresseurs -sa compagne Cindy, son neveu Christopher et une amie, Nadège - "a pris la bouteille d'acide et il me l'a jetée, comme ça", se souvient Carole en mimant avec ses bras. "J'en ai eu au niveau du cou, des bras", ajoute-t-elle.

"Ca devenait un jeu"

Un peu plus tôt, avaient défilé sur les écrans de la salle d'audience les photos éloquentes des cicatrices de brûlure au second degré, de la peau brune et parcheminée, des tâches rougeâtres. "Un jour, Fabrice et Christopher sont arrivés avec un bidon. Ils m'ont jeté de l'essence, et Fabrice a sorti une allumette. Christopher a fini par m'éteindre le feu sur la jambe, parce qu'il a vu que je douillais", relate encore Carole. Les coups, les humiliations, les moqueries: "ça devenait un jeu".

Les accusés ont expliqué pendant l'instruction qu'en brûlant la jambe de Carole, ils voulaient tester les bottes qu'elle portait et qui ressemblaient, selon eux, à des bottes de pompier. "Des bottes beiges rembourrées, avec des pompons sur le côté", assure Carole, candide. "Fabrice me frappait tout le temps", reprend-elle. "C'était violent, pour moi qui suis une femme".

Humiliations sans limites

L'intéressé, crâne partiellement rasé, tatouage sur le bras, regard noir et attentif, ne bronche pas. Ce n'est qu'au gré des témoignages à charge, que son visage presque poupin s'anime, qu'il se dresse, invectivant, prêt, semble-t-il, à bondir de son box. "Fabrice ne devait pas m'aimer parce qu'il disait que j'avais une gueule d'Hitler", glisse Carole. "Je dois avoir un problème avec ma tête car j'ai toujours des ennuis". "Vous avez une tête normale, Madame, c'est peut-être plutôt votre tempérament" qui est en cause, lui fait remarquer la présidente. Une psychologue décrit Carole comme soucieuse de faire passer les besoins des autres avant les siens, "vulnérable aux pressions". Pendant la torture, "elle était en état de dissociation, étrangère à ce qu'elle vivait".

Carole enchaîne avec le récit de ce qui fut probablement pour elle l'humiliation cardinale. "Christopher a mis ses excréments dans une assiette, et me les a fait manger. Cindy a commenté en disant "Je préférerais crever plutôt que subir ça"", rapporte Carole. Le rôle de Cindy, justement, est largement débattu. Elle a parfois infligé des sévices à Carole, par jalousie ou soumission envers son compagnon, dont elle avait peur.

"J'ai sauvé leurs enfants"

L'appartement n'est pas fermé à clé, mais Carole ne sort pas et ne s'enfuit qu'en septembre, lorsque Fabrice lui dit en rentrant du travail: "Tu mourras ce soir". Avant cela, "l'emprise était énorme. On lui dit "Tu ne peux pas sortir", elle ne sort pas", relate la psychologue qui l'a entendue. Selon l'enquête, les colocataires profitaient de la vulnérabilité de Carole, en plein deuil et dont l'enfant venait d'être placé en foyer.

Au cours d'une longue tirade à la barre, mardi, Carole s'emporte alors comme jamais: "Ils m'ont fait du mal alors que moi je ne leur ai jamais rien fait... Je m'occupais de leurs trois enfants quand ils allaient quelque part. Je voulais encore plus sauver leurs enfants (de leur père Fabrice) que les miens. Fallait que je fasse quelque chose". Elle conclut: "je ne regrette rien, j'ai sauvé les enfants", placés depuis les faits en famille d'accueil.

Le verdict est attendu vendredi. 

A. G. avec AFP