Les agents pénitentiaires bientôt espions?

Un amendement au projet de réforme de la procédure pénale prévoit la possibilité aux agents pénitentiaires de faire du renseignement. - Philippe Desmazes - AFP
Maton et agent de renseignement? Les députés souhaitent en tout cas que ces fonctionnaires y participent. A l’occasion de l’examen en commission du projet de réforme de la procédure pénale, ils ont voté des amendements PS et LR pour intégrer l’administration pénitentiaire dans la "communauté de renseignement", à l’instar des autres services de renseignement.
L’amendement présenté par plusieurs députés Les Républicains vise à combler les manques des services de renseignement en détention. L’amendement adopté en commission permettra aux personnels de l’administration pénitentiaire "de recourir aux techniques de renseignement" définies par la loi de renseignement. Concrètement, la loi sur le renseignement autorise par exemple à avoir recours à des micros. Des cellules de détenus pourraient ainsi être placées sur écoute.
La mesure saluée par Eric Ciotti, l’un des auteurs de l’amendement avait précédemment été envisagée dans la loi sur le renseignement. Mais à la suite de l’opposition du Sénat et de Christiane Taubira, la mesure avait été abandonnée.
Les relations avec les détenues impactées?
L’ancienne garde des Sceaux jugeait que ce n’était pas là le rôle des agents de l’administration pénitentiaire. "Je veille à ce que nos officiers de renseignement ne soient, ni identifiés ni identifiables", avait-elle dit. "Or, si le texte passe, c'est évidemment l'ensemble du personnel qui va devenir suspect".
Un constat partagé par Adeline Hazan, la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté. "Actuellement, les informations recueillies par les agents pénitentiaires le sont sur la base de méthodes transparentes et connues: lectures des courriers, écoutes de leurs conversations téléphoniques, surveillance quotidienne et dans le respect des droits des détenus avec un contrôle possible de ce respect des droits. L’utilisation secrète des techniques de renseignement modifierait la nature de l’action des surveillants", estimait-elle en avril dernier dans une interview au Monde.
La mesure n’est toutefois pas encore adoptée, les députés doivent encore débattre du texte en séance à partir du 1er mars. Ce texte sera défendu par le nouveau ministre de la justice Jean-Jacques Urvoas.
Le terrorisme au coeur du projet de loi
Le projet de loi validé mercredi en commission donne par ailleurs aux parquets et aux juges d'instruction l'accès à de nouvelles techniques comme les "Imsi-catcher", qui interceptent les communications dans un périmètre donné en imitant le fonctionnement d'un relais téléphonique mobile. En cas d'urgence, le procureur pourra autoriser le recours à l'"Imsi-catcher" sans autorisation préalable du juge. Mais si le juge ne confirme pas l'autorisation, alors les données recueillies devront être détruites, selon un amendement du LR Lionel Tardy.
Un autre amendement du rapporteur PS Pascal Popelin vise à permettre, dans le cadre d'un sursis mise à l'épreuve, un stage de "déradicalisation" pour des personnes condamnées pour les infractions terroristes les moins graves (punissables de cinq ans maximum). Parmi les principales mesures figurent l'assouplissement des règles d'engagement armé des forces de l'ordre au-delà de la légitime défense, le renforcement du contrôle administratif des personnes de retour du jihad et l'instauration, après un contrôle d'identité, d'une possible rétention de quatre heures pour vérifier la situation d'un suspect.
A l'origine, le texte gouvernemental avait surtout pour vocation d'accroître les garanties dans le cadre de la procédure pénale, avec un accès au dossier pour les avocats, conformément aux exigences constitutionnelles et européennes. Mais, après les attentats de novembre, des dispositions sont venues l'enrichir pour renforcer la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement.