"Son seul objectif était de me faire disparaître": comment Betsy a échappé à Jean-Marc Reiser

Betsy Williams-Iwhiwhu, étudiante nigériane, a croisé la route de Jean-Marc Reiser en 2017 alors qu'elle étudiait à Strasbourg. - DR
Betsy vit toujours avec le souvenir traumatisant de sa rencontre avec Jean-Marc Reiser. "Je suis toujours suivie psychologiquement, ça a bouleversé ma vie", confie la jeune femme à BFMTV.com alors que le procès du meurtrier présumé de Sophie Le Tan s'est ouvert lundi devant la cour d'assises du Bas-Rhin. Des débats qu'elle va forcément suivre.
"J'ai réussi à échapper à Jean-Marc Reiser, soutient Betsy. A partir de mon expérience, il a intensifié sa stratégie. Peut-être que si j'avais alerté la police, Sophie serait encore en vie."
"Manipulation"
En septembre 2017, Betsy, étudiante d'origine nigériane, est inscrite à un Master 2 de Management à l'université de Strasbourg. A cette époque, la jeune femme, qui rentre d'un stage à New York, fréquente l'antenne locale des Restos du Coeur.
"Un jour alors que je faisais la queue, Jean-Marc Reiser a cherché à avoir une conversation, raconte Betsy. C'était une conversation forcée, il posait de nombreuses questions. C'était le début de sa stratégie de manipulation."
A plusieurs reprises lorsqu'ils se croisent à l'association, Jean-Marc Reiser propose à Betsy de la raccompagner. La jeune femme décline jusqu'à ce jour en plein hiver où, chargée de ses courses, elle accepte.
"Au début je ne l'ai pas trop soupçonné, mais il en a profité pour échanger nos numéros. C'est là que le harcèlement a commencé, poursuit-elle. Il a commencé à m'appeler plusieurs fois pour venir me chercher, je le décourageais. C'est sa stratégie, il insiste, il insiste et on finit par tomber dans son piège."
Détour imprévu
Betsy considère avoir été "traquée pendant un an". Elle se souvient avoir croisé Jean-Marc Reiser près de sa fac. Elle se souvient des nombreux appels de l'homme pour lui proposer un week-end dans les Vosges ou un séjour en Croatie. Puis de cette nouvelle fois où elle accepte qu'il la raccompagne.
Sur le trajet entre l'antenne des Restos du Coeur et le domicile de la jeune femme, Jean-Marc Reiser fait un détour imprévu. Betsy commence à s'inquiéter. Arrivés en bas de son immeuble, il insiste alors pour monter. Elle parvient tant bien que mal à ce qu'il reste en bas de l'ascenseur.
"J'ai appuyé sur le mauvais étage, je suis sorti de l'ascenseur puis j'ai pris les escaliers pour arriver jusqu'à mon appartement. J'ai couru chez moi et j'ai éteint mon téléphone. Ensuite j'ai bloqué son numéro."
Pendant plusieurs mois, Betsy ne fréquente plus l'association. Elle n'a plus de nouvelles de Jean-Marc Reiser qui utilisait jusqu'alors 4 ou 5 numéros pour la contacter. Jusqu'à ce jour de janvier 2018 où elle le croise dans un train. A cette époque, Betsy a le projet de déménager à Paris pour ses études et cherche un endroit pour stocker ses affaires. La conversation dévie sur ce sujet. Jean-Marc Reiser en profite et lui propose de ranger ses cartons dans sa cave. La jeune femme, seule à Strasbourg et sur le départ, finit par accepter.
"J'ai baissé la garde, reconnaît Betsy. Même s'il me fait peur, je me suis dit qu'il n'était peut-être pas si méchant. Mais je suis tombée dans son piège."
Changement de comportement
Jean-Marc Reiser a alors changé de visage. Venu l'aider à déménager ses affaires, l'homme est colérique, s'en prend à elle, lui demande de jeter des cartons estimant qu'elle a trop d'affaires.
"Au moment où j'ai accepté ses ordres, il s'est calmé", se souvient Betsy.
Reiser descend les affaires de la jeune femme dans sa cave puis l'invite à monter dans son appartement. Betsy, chargée de deux valises, a quelques heures à attendre avant de prendre son train pour Paris. Elle finit par accepter.
Elle découvre alors l'intérieur de l'appartement de Schiltigheim. Un studio équipé de deux lits simples, d'une télévision et jonché de bouteilles d'eau ouvertes un peu partout. Betsy a soif mais se refuse à boire dans l'une de ses bouteilles. Elle en prend une nouvelle qu'elle ouvre. L'homme se met en colère.
La jeune femme se dit qu'elle doit fuir cet endroit. Elle récupère son téléphone dans l'autre pièce, celui-ci est bloqué, quelqu'un a entré plusieurs codes faux. Betsy s'énerve alors. Jean-Marc Reiser lui demande de se taire. Elle dit qu'elle imagine le pire à ce moment-là, "un viol".
"J'ai cherché à apaiser la situation, j'ai joué la naïve. Je lui ai dit que j'allais faire une course mais que je laissais mes valises pour lui faire comprendre que je revenais."
Jean-Marc Reiser la laisse sortir. Betsy devait-elle prévenir la police? "A ce moment-là, il n'a rien fait de répréhensible", souffle-t-elle.
Lutter contre le féminicide
Betsy revient quelques heures plus tard. Elle souhaite récupérer ses affaires laissées dans l'appartement de Jean-Marc Reiser. Elle décide alors de sonner chez les voisins pour qu'ils l'accompagnent. Ils trouvent porte close. Mais au milieu de la nuit, Jean-Marc Reiser finit par ouvrir. Betsy récupère ses valises. Le lendemain matin, il vide également sa cave. Quatre mois plus tard, Sophie Le Tan trouvait la mort dans cet appartement.
"Tout ce qu'il me proposait, c'était dans un seul but: me faire disparaître, martèle la jeune femme. Je n'ai pas été sa cible uniquement ce jour-là, il m'a traquée pendant un an."
La jeune femme a décidé d'écrire un livre sur cette expérience. "On n'aurait pas dû le laisser dans la nature", soutient la jeune femme en faisant référence à la condamnation de l'homme à 15 ans de réclusion criminelle en 2001 pour viol et agression sexuelle. Avec cet ouvrage, co-écrit avec l'élue écologiste Caroline Reys, elle souhaite lutter contre la récidive mais surtout contre le féminicide. Il doit sortir après le procès de Jean-Marc Reiser qui doit s'achever le 5 juillet.
* La force de l'instinct. Comment j'ai échappé à Jean-Marc Reiser, aux Editions du 3/9.