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Police-Justice

Réforme pénale: l'usage des armes par les policiers élargi

Les policiers sont soumis au même régime que les citoyens concernant la légitime défense.

Les policiers sont soumis au même régime que les citoyens concernant la légitime défense. - Guillaume Souvant - AFP

Les députés ont voté mercredi soir un panel de mesures dans le cadre de l'examen, en première lecture, du projet de loi de "lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement".

Il est l'un des articles les plus polémiques de ce projet de loi de "lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement" qui se situe dans le prolongement des mesures prises avec l'instauration de l'état d'urgence. Mercredi soir, les députés ont adopté, dans le cadre de ce vote en première lecture, l'article 19 portant sur le "cadre légal de l'usage des armes par les policiers, les gendarmes, les douaniers et les militaires déployés sur le territoire national".

Concrètement, cet article prévoit un assouplissement de l'usage des armes à feu par les forces de l'ordre. En effet, le principe d'"irresponsabilité pénale" est inscrit dans le texte. Confrontés à un "périple meurtrier", policiers, gendarmes ou militaires pourront avoir recours à leur arme en cas d'absolue nécessité, s'ils estiment, selon "des raisons réelles et objectives", que les auteurs d'homicides volontaires ou tentatives d'homicide volontaire (...) sont susceptibles de réitérer ces actes dans un temps rapproché". Comme cela s'était produit avec les frères Kouachi ou les terroristes du 13 novembre.

Selon le ministre de l'Intérieur, qui porte ce texte devant les députés et se défend d'accorder "un permis de tuer", le principe de légitime défense comme il est appliqué actuellement n'est pas "un cadre juridique adapté à la mise hors d'état de nuire (...) d'un individu armé" déjà passé à l'acte. Aujourd'hui, les policiers ne sont pas soumis à un dispositif particulier en cas d'usage de leur arme à feu.

"Violence exceptionnelle"

Comme tout autre citoyen, cette pratique est régie par l'article 122-5 du code pénal relatif à la légitime défense. Et les policiers ne peuvent donc utiliser leur arme qu'en cas d'"acte commandé par la nécessité de la légitime défense d'elle-même ou d'autrui". Une situation que les fonctionnaires de police dénonçaient, notamment après certains événements. En octobre dernier, l'un des leurs avait été très grièvement blessé par un braqueur à Saint-Ouen, en Seine-Saint-Denis. A la même période, deux policiers étaient tombés dans un guet-apens à Arles.

"Il y a une violence contre les policiers exponentielle", dénonce Patrice Ribeiro, secrétaire général du syndicat Synergie-Officiers, "un sentiment d'impunité nourri par une absence de réponse pénale". De son côté, le syndicat Alliance demandait "au ministre de l’Intérieur de revoir rapidement les conditions de la légitime défense car elles ne sont plus adaptées à la violence de la société".

"Insécurité juridique"

"La question de la légitime défense des policiers" devra "être traitée", avait répondu François Hollande le 16 novembre 2015, au lendemain des attentats de Paris. Cette réponse a été apportée par ce projet de loi, mais pas de la bonne manière, selon les policiers eux-mêmes. "La fin du paragraphe va créer une insécurité juridique qui va se rajouter à l’insécurité juridique existante, a dénoncé sur BFMTV Stanislas Gaudon, secrétaire général adjoint d'Alliance.

Et de poursuivre: "Quand on parle de preuves actuelles, réelles, qui laissent penser à ce que la personne est susceptible de réitérer ses crimes, ça veut dire que le policier va devoir faire une analyse juridique sur le terrain avant d’intervenir."

Cette disposition est également critiquée par une bonne partie des députés de la majorité. Sur leur site, les députés du Front de gauche ne la jugent "pas nécessaire". "Comme le souligne le Défenseur des droits dans son avis du 12 février 2016, les dispositifs actuels 'permettent déjà aux intéressés d’invoquer la légitime défense ou l’état de nécessité et de bénéficier de l’irresponsabilité pénale, dans les circonstances décrites dans le texte'", écrivent-ils. Comme c'était le cas avec l'énoncé du verdict, controversé, dans le procès de l'affaire Bentounsi, un braqueur en fuite abattu par une balle dans le dos tirée par un policier, avait fini de relancer le débat.

Justine Chevalier