Propos sur les mineurs isolés: l'heure du jugement pour Éric Zemmour

Eric Zemmour à Husseren-les-Châteaux, en Alsace, le 18 décembre 2021 - SEBASTIEN BOZON / AFP
Il n'avait pas souhaité se présenter devant la justice pour éviter de transformer "l'enceinte judiciaire en studio de télé d'information continu", comme l'avait justifié son avocat. Le 17 novembre dernier, Éric Zemmour a été jugé, en son absence, par le tribunal correctionnel de Paris pour "complicité de provocation à la haine raciale et d'injure raciale" après ses propos sur les migrants mineurs. Le jugement doit être connu ce lundi.
Sur le fond et sur la forme, les avocats du polémiste devenu candidat à la présidentielle ont rejeté les accusations à l'encontre de leur client, mis en cause pour ses propos sur les mineurs isolés. Le 29 septembre 2020, Éric Zemmour avait déclaré sur CNews:
"Ils n'ont rien à faire ici, ils sont voleurs, ils sont assassins, ils sont violeurs, c'est tout ce qu'ils sont, il faut les renvoyer et il ne faut même pas qu'ils viennent."
"Mais la responsabilité de la France et du gouvernement c'est de ne pas prendre le risque (...) Dans le doute il ne faut laisser rentrer personne." "Pas tous", avait rétorqué la présentatrice Christine Kelly. "Tous, ils n'ont rien à faire ici", avait répondu Éric Zemmour.
"C'est une invasion permanente", "c'est un problème de politique d'immigration".
Une condamnation requise
Sur le fond, Me Olivier Prado a estimé que son client n'avait rien prononcé de répréhensible. Éric Zemmour n'a fait que "redire avec des mots différents" les inquiétudes exprimées par les autorités sur la délinquance liée aux mineurs non accompagnés, a plaidé l'avocat. Sur la forme, la citation pour incitation à la haine raciale ne tient pas pour la défense du polémiste, qui considère que les mineurs isolés ne constituent pas un groupe identifiable.
"Quand on dit 'les Arabes', on sait de quoi on parle", a rétorqué Me Prado. "Mais les mineurs isolés ne sont ni une race, ni une nation, ni une ethnie."
Cette lecture n'est pas partagée par le ministère public qui a requis une condamnation à 10.000 euros d'amendes. "Les limites de la liberté d'expression ont été franchies", a estimé lors de l'audience la procureure de la République, qui a décelé dans le langage d'Éric Zemmour "les mécanismes de la haine".
Il use "du lexique de la guerre", parle "d'invasion, de conquête", a-t-elle avancé. Il fonctionne par "généralisations, un procédé classique du racisme", a-t-elle ajouté, souhaitant "insister" sur le danger de la "banalisation du discours d'un ennemi commun".
A priori, pas d'impact sur la présidentielle
En cas de condamnation, Éric Zemmour a peu de risques de voir ses prétentions présidentielles s'envoler. En effet, pour l'empêcher d'être candidat, il faudrait que le juge aille plus loin que les réquisitions en prononçant une peine complémentaire d'inéligibilité, assortie de l'exécution provisoire de cette peine. En clair, une mesure qui permet que la peine ne soit pas suspendue même en cas d'appel.
"Pour qu'Éric Zemmour devienne inéligible, il faudrait que le juge aille au delà des réquisitions, ce qui n'est pas automatique, il faudrait qu'il prononce l'exécution provisoire de la peine, ce qui n'est pas habituel, mais aussi que le Conseil constitutionnel n'étende pas aux candidats à la présidentielle sa position sur les parlementaires", résume Me Eric Landot, avocat spécialisé en droit public et auteur d'un article sur le sujet.