"Pourquoi ce geste abominable?": les parents de Chahinez Daoud, brûlée vive en 2021, témoignent avant l'ouverture du procès

Une douleur indicible. Quelques jours avant l'ouverture ce lundi 24 mars du procès de l'assassin présumé et ex-mari de Chahinez Daoud, brûlée vive en 2021 à Mérignac, la mère de la victime a confié sa crainte de se retrouver face à l'accusé. "Je vais avoir du mal à voir l'assassin devant moi, mais il faut que je sois courageuse", a déclaré Djohar Daoud à plusieurs médias dont BFMTV.
Le père Kamel Daoud a quant à lui déploré que sa fille n'ait pas été "protégée". "Elle criait sa détresse à tout le monde mais elle n'était pas protégée", a-t-il assuré. "Ce n'est pas une vengance mais une douleur qui nous habite toujours".
Les parents de Chahinez Daoud attendent beaucoup de ce procès qui se tiendra jusqu'à vendredi devant la cour d'assises de la Gironde, afin de "faire leur deuil". Ils disent "faire confiance à la justice".
"Lorsque tu n'es pas riche, tu ne peux pas sauver tes enfants"
Kamel Daoud a raconté avant le procès qu'il avait essayé en vain, trois ans plus tôt, de venir "secourir" sa fille en France, faute d'obtenir un visa.
"S'attaquer à elle, il ne pouvait pas le faire en Algérie, avec les parents sur place. Pourquoi il a fait ce geste, cet acte abominable? Parce qu'elle était seule en France. Il n'y avait aucun membre de sa famille", a-t-il lancé.
Avant d'ajouter: "J'ai demandé à venir pour la secourir mais ils n'ont pas voulu me donner un visa parce que je n'avais pas d'argent sur mon compte. Ce qui m'a beaucoup touché, c'est que lorsque tu n'es pas riche, tu ne peux pas sauver tes enfants. C'était en 2018. Même son frère a tenté de venir".
"Je n'ai rien contre personne, rien contre l'État, ni contre la police", a souligné le père qui, au procès, n'aura "rien à dire" à "l'assassin" qui "n'est que lâcheté". "Ces hommes sont des malades qui veulent faire de la femme leur jouet. Lorsqu'ils n'ont plus besoin d'elles, ils les cassent", a-t-il dénoncé.
Une plainte déposée deux mois plus tôt
Le 4 mai 2021, alors que Chahinez Daoud, 31 ans, s'en va récupérer deux de ses trois enfants à l'école Mounir B. son mari avec lequel elle est en instance de divorce lui tire une balle dans chaque jambe. Puis, déverse sur le corps de la mère de son enfant un bidon d'essence avant de mettre le feu avec un briquet. Le corps de Chahinez Daoud est retrouvé presque entièrement carbonisé, la tête dans le caniveau.
Mounir B., 44 ans au moment des faits, maçon de profession ayant la double nationalité franco-algérienne, n'est pas inconnu des services de police et justice. Il avait notamment été condamné en juin 2020 à 18 mois de prison dont 9 avec sursis pour des faits de strangulation et de menace avec un couteau sur son épouse.
En décembre 2020, il a été remis en liberté sans bracelet anti-rapprochement, le dispositif n’étant pas "effectif", avaient alors indiqué les autorités. Le 15 mars 2021, la mère de famille a déposé une plainte, mal enregistrée, contre son conjoint après avoir été violentée.
Ce jour-là, Mounir B. l'a agressé devant un supermarché, l'a forcée à monter dans son véhicule, l'a frappée et tenté de l’étrangler. Une fiche de recherche a été lancée après le dépôt de plainte de la mère de famille, mais Mounir B. n' a jamais été interpellé. Chahinez Daoud est assassinée deux mois plus tard.
Quelques jours avant l'audience, l'avocat des parties civiles, Me Julien Plouton, a évoqué devant la presse "une traque, un harcèlement, une surveillance quasi quotidienne" de la victime pendant les deux mois qui ont suivi sa dernière plainte, avant le "déchaînement de violences inhumain" du 4 mai 2021.
Selon Ouest-France, Chahinez Daoud confiait de manière récurrente à ses proches la crainte d'être tuée par son ex-conjoint qui n'acceptait pas la rupture.
Une inspection diligentée par le gouvernement de l'époque sur les conditions de remise en liberté et le suivi de l'ex-mari a relevé une série de "défaillances", tandis qu'une enquête de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) pointait fautes et erreurs d'appréciation.
"C'est devenu un monstre"
En garde à vue, Mounir B. a affirmé d'emblée qu'il voulait "la cramer", "pour tout le mal qu'elle et la justice (lui) ont fait" en le faisant condamner, à tort selon lui. Il a ajouté avoir voulu "la punir", "lui laisser des traces" en la brûlant "un peu", "lui faire la peur de sa vie" mais nie avoir voulu la tuer.
Au cours de l'instruction, les experts ont conclu à une altération du discernement de Mounir B. "compte tenu d’une paranoïa dont il serait porteur", rapporte Me Julien Plouton.
"En Algérie, il était doux mais une fois revenu ici, c'est devenu un monstre", a raconté la mère de la victime, Djohar Daoud.
Chahinez "aimait les gens. Jamais elle ne se mettait en colère. Contre personne. Son bonheur, c'était ses enfants", a-t-elle ajouté.
Après la mort de Chahinez Daoud, ses trois enfants âgés aujourd'hui de 16, 11 et 8 ans, dont deux issus d'une première union, ont été placés en famille d'accueil.
Quatre ans après les faits, les enfants de Chahinez "vont bien" mais "laissent tout dans leur coeur et ne peuvent pas (en) parler", selon leur grand-mère, Djohar Daoud. Elle et son mari ont obtenu la garde de la fratrie sept mois après la mort de leur fille.