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Procès

Féminicide de Mérignac: le procès de l’ex-mari de Chahinez Daoud s’ouvre à Bordeaux

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Chahinez Daoud, 31 ans, est morte brûlée vive en pleine rue en mai 2021 à Mérignac. Quatre ans plus tard, son ex-mari, Mounir B., est renvoyé à partir de ce lundi 24 mars et jusqu'à vendredi devant la cour d'assises de la Gironde pour "assassinat".

Il y a d'abord eu des cris puis des coups de feu. Le mardi 4 mai 2021, aux alentours de 18 heures, Chahinez Daoud, une mère de famille de 31 ans, s'en va récupérer deux de ses trois enfants à l'école. À peine quitte-t-elle son pavillon que d'importantes détonations retentissent avenue de Carnot à Mérignac. Mounir B., son mari avec lequel elle est en instance de divorce, vient de lui tirer une balle dans chaque jambe. Blessée, Chahinez Daoud s’effondre au sol.

Mounir B. poursuit son projet criminel. Il se rend à sa camionnette, s'empare d'un bidon d'essence qu'il déverse sur le corps de la mère de son enfant et sort un briquet: Chahinez Daoud meurt brûlée vive en pleine rue.

Quatre ans plus tard, Mounir B. est renvoyé à partir de ce lundi 24 mars et jusqu'au vendredi 28 mars devant la cour d’assises de la Gironde pour "assassinat".

"Elle implorait du regard"

Le mardi 4 mai 2021, Chahinez Daoud meurt face à des témoins impuissants. Gérard, un voisin, a tenté de s’interposer, en vain. "Quand je suis arrivé dessus, il m’a braqué avec un pistolet. La femme brûlait à côté", expliquait-il à BFMTV. "Il a ramassé sa carabine au sol, il l’a mise sous son coude, il l’a rechargée, il m’a regardé et il est parti en petite foulée, tranquille."

Déterminé, Mounir B. se rend au petit pavillon de Chahinez Daoud qu'il incendie après avoir sorti l’un des fils de la victime endormi. Puis, il prend à nouveau la fuite.

Avenue de Carnot, Gérard, le voisin de Chahinez, fonce dans son garage. Les bras chargés de couvertures, il tente d’étouffer les flammes qui consument le corps de la mère de famille. "Le médecin est arrivé, on a essayé d’éteindre, mais vu ce qu’il avait mis comme produit, on éteignait d'un côté, ça repartait tout de suite de l’autre", confiait-il impuissant.

"Ce que je garde en tête, c'est que cette dame n'est pas morte de suite. Elle implorait du regard."

Mounir B. est interpellé une demi-heure plus tard dans une commune limitrophe. Il porte un fusil de chasse, un pistolet automatique et une cartouchière.

Condamné pour violences conjugales

Mounir B., 44 ans au moment des faits, maçon de profession ayant la double nationalité franco-algérienne, n'est pas inconnu des services de police et justice. Il compte sept condamnations à son casier judiciaire.

Il a été condamné pour des violences sur une première conjointe et à l'encontre de Chahinez Daoud. Dix-huit mois de prison, dont neuf avec sursis probatoire, prononcés en juin 2020. Il avait une obligation de soins et interdiction d'entrer en contact avec sa femme. Depuis sa cellule de prison, il a pourtant repris contact à 36 reprises avec elle, la menaçant de revenir à son domicile.

En décembre 2020, Mounir B. est remis en liberté, sans bracelet anti-rapprochement, le dispositif n’étant pas "effectif", avaient alors indiqué les autorités. Le 15 mars 2021, la mère de famille dépose une plainte, mal enregistrée, contre son conjoint après avoir été violentée.

Ce jour-là, Mounir B. l'agresse devant un supermarché, la force à monter dans son véhicule, la frappe et tente de l’étrangler. Une fiche de recherche est lancée après le dépôt de plainte de la mère de famille, mais Mounir B. ne sera jamais interpellé. Chahinez, qui ne disposait pas de téléphone grave danger, est assassinée deux mois plus tard.

En garde à vue, Mounir B. raconte qu'il était convaincu que son épouse avait un amant et la manipulait. Il dit aux enquêteurs qu'il voulait "la punir sans la tuer" et "brûler un peu sa femme pour lui laisser des marques". Au cours de l'instruction, il conteste avoir prémédité son geste. Le chef de mise en examen initial, homicide volontaire, est toutefois requalifié par la suite en assassinat par le juge d’instruction à la demande des parties civiles.

"Dans ce dossier, il y avait non seulement l'intention de tuer", mais cette intention de tuer "préexistait à cette rencontre du 4 mai", appuie Me Julien Plouton, avocat des parents de Chahinez Daoud, lors d’une conférence de presse organisée en début de semaine dernière. "Il y a eu des actes préparatoires".

Selon l'avocat, Mounir B. a eu la volonté "de tuer quelqu'un, de tuer une femme, de l'effacer, de l'annihiler, de la châtier, de la punir". "On est sur des choses extrêmement vertigineuses, extrêmement violentes."

L'enquête permet d'établir que Mounir B. avait acquis un nouveau véhicule. "Certainement pour ne pas être repéré", pense Me Julien Plouton. Ce fourgon était aménagé de sorte qu'il ne puisse être vu à l'intérieur, mais qu’il puisse voir à l’extérieur. Mounir B. y passe la journée entière du 4 mai 2020, garé à proximité du domicile familial, à guetter les allers et venues de Chahinez Daoud. Il passera à l’acte à 18 heures.

La mort atroce de la mère de famille devient très vite l’affaire de tous. Le féminicide de Mérignac prend une dimension politique, conduisant le gouvernement à diligenter une mission d'inspection sur les conditions de remise en liberté et le suivi de l'ex-mari.

Elle a relevé une série de "défaillances", tandis qu'une enquête de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) a pointé des fautes et erreurs d'appréciation. Cinq policiers ont fait l'objet de sanctions disciplinaires, dont le directeur départemental de la police de Gironde et le commissaire de Mérignac en fonction à l'époque.

Altération du discernement

Au cours de l'instruction, les experts ont conclu à une altération du discernement de Mounir B. "compte-tenu d’une paranoïa dont il serait porteur", rapporte Me Julien Plouton.

"Au procès, on va juger quelqu'un que les experts considèrent comme une personne altérée, qui a un discernement altéré", indiquent Me Anaïs Duvot et Elena Badescu, avocates de Mounir B. à BFMTV. "Les experts se sont prononcés et ils ont considéré qu'il n'était pas dans un état normal", poursuivent les deux avocates, appuyant sur les traits de personnalité "très particuliers", de l'accusé.

"Ce qu'il faut comprendre, ce qu'il a expliqué à la cour, c'est qu'il n'avait pas prémédité son geste, et que ce jour-là, lorsqu'il est allé devant le domicile de Chahinez Dadoud, il a toujours dit qu'il n'avait pas eu l'intention formée en amont d'intenter à la vie de son ex-conjointe", ajoutent-elles.

Pour avoir assassiné Chahinez Daoud, Mounir B. encourt une peine de réclusion criminelle à perpétuité.

Charlotte Lesage