Procès Frédéric Péchier: face à la menace de désistement de ses avocats, l'État renvoie à "la compétence des barreaux"

Frédéric Péchier arrive au tribunal de Besançon le 8 mars 2023 - ARNAUD FINISTRE © 2019 AFP
Les deux avocats de Frédéric Péchier, médecin anesthésiste accusé d'avoir tué 12 patients et dont le procès doit débuter le 8 septembre à Besançon, menacent de se retirer, dénonçant une rémunération trop faible. Dans le cadre actuel, "on n'assumera pas la défense de Frédéric Péchier" a indiqué l'un d'eux, Randall Schwerdorffer.
En cause, l'aide juridictionnelle versée par l'État aux justiciables n'ayant pas les moyens de financer leurs frais de justice, qui s'élève à 35.000 euros pour les deux avocats du médecin sur toute la durée du procès, censé s'achever le 19 décembre. Frédéric Péchier, qui reste en liberté, n'exerce plus sa profession.
"Cela fait 17.000 euros par cabinet pour quatre mois, c'est extraordinaire", soupire l'avocat bisontin. "Il est hors de question d'intervenir aux frais de mon cabinet pour assumer la défense".
"Leur désistement relève de leur entière responsabilité"
De son côté, le ministère de la Justice rappelle à BFMTV que les avocats de Frédéric Péchier "ont accepté de représenter leur client sous le régime de la rétribution à l'aide juridictionnelle en pleine connaissance de cause".
"Les règles appliquées, qui visent à maîtriser la dépense et à assurer une équité entre les procès, sont inchangées et connues de la profession", précise le ministère à BFMTV.
Il souligne que cette aide, qu'il chiffre plutôt à 37.500 euros hors taxes, est versée "au bénéfice d'un justiciable, quelque soit le nombre d'avocats que celui-ci choisit pour assurer sa défense".
Ainsi, "ces règles étant connues depuis le début du travail des avocats, leur désistement à moins d'un mois de l'ouverture de l'audience et les conséquences de ces annonces relève de leur entière responsabilité".
Randall Schwerdorffer, ancien défenseur de Jonathann Daval, souhaite que les conseils des parties civiles reversent 10% de leur aide juridictionnelle qui s'élève selon lui à 2 millions d'euros.
"L’État n’a pas vocation à s’immiscer dans ce débat interne"
"Comme dans le procès de Salah Abdeslam (principal accusé au procès des attentats de 2015, ndlr), il faudrait un accord avec les avocats des parties civiles. C'est la responsabilité de tous les intervenants au procès", poursuit Me Schwerdorffer.
"Ces travaux éventuels de répartition relèvent de la compétence des barreaux concernés, l’État n’ayant pas vocation à s’immiscer dans ce débat interne à la profession", indique le ministère de la Justice à BFMTV.
Pour le moment, les avocats des parties civiles ont refusé de partager cette aide juridictionnelle, selon Me Schwerdorffer. Mais une réunion de médiation avec le conseil de l'ordre des avocats est prévue le 2 septembre. A l'issue, l'avocat décidera de poursuivre ou non la défense de l'ancien anesthésiste.
Il y a quelques jours, le troisième avocat, Samuel Estève, s'était retiré pour les mêmes raisons.
Frédéric Péchier, 53 ans, travaillait comme médecin anesthésiste dans des cliniques privées de Besançon. Il est accusé d'avoir, pendant plus de dix ans, volontairement empoisonné 30 patients âgés de 4 à 89 ans, entraînant la mort de 12 d'entre eux. Il clame son innocence, et ses avocats au procès plaideront l'acquittement.
L'aide juridictionnelle est "la manifestation de la solidarité nationale envers toute personne confrontée à une procédure judiciaire, qu'elle soit victime ou mise en cause, dès lors qu'elle ne dispose pas de ressources suffisantes pour payer des honoraires d'avocats", indique le ministère de la Justice.
En 2025, cette aide représente un total de 661 millions d'euros, un montant "qui a doublé depuis 2017 et qui place désormais la France dans la moyenne des pays de l'OCDE".