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Police-Justice

Procès du "tueur de DRH": l'unique rescapé se dit "condamné à mort"

Croquis d'audience réalisé à l'ouverture du procès de Gabriel Fortin (g), surnommé "le tueur de DRH", jugé pour trois meurtres à Valence (Drôme), le 13 juin 2023

Croquis d'audience réalisé à l'ouverture du procès de Gabriel Fortin (g), surnommé "le tueur de DRH", jugé pour trois meurtres à Valence (Drôme), le 13 juin 2023 - Benoit PEYRUCQ © 2019 AFP

Bertrand Meichel a évité de peu la mort le 26 janvier 2021 visé par Gabriel Fortin, jugé actuellement par la cour d'assises de Valence pour trois assassinats et la tentative d'assassinat de cet ancien DRH.

Bertrand Meichel a évité la mort. Cet ancien directeur des ressources humaines faisaient partie des cibles de Gabriel Fortin, celui qui est surnommé le "tueur de DRH" et qui comparaît actuellement devant la cour d'assises de Valence. Seul rescapé de ce périple meurtrier, il a témoigné ce lundi de son face à face avec celui qu'il avait licencié quinze ans plus tôt.

Bertrand Meichel est toujours "angoissé" à ce jour, mais il est venu déposer au procès sans hésitation, "pour Estelle", son ancienne stagiaire avec qui il avait gardé le contact, la première victime abattue.

"Condamné à mort"

Quelques dizaines de minutes et seulement quelques dizaines de kilomètres, ce 26 janvier 2021, séparent l'assassinat d'Estelle Luce, tuée sur le parking de son entreprise à Wolfgantzen, dans le Haut-Rhin, et la tentative d'assassinat de Bertrand Meichel à son domicile de Watwiller. Les deux victimes avaient participé au licenciement de Gabriel Fortin en 2006 d'une entreprise d'Eure-et-Loir. Le hasard de la vie les avait réunis dans le même département.

Un peu avant 19 heures, Bertrand Meichel est en pleine visioconférence lorsque l'on sonne à la porte. Un livreur de pizza, visiblement. Deux mots, pour vérifier son identité. Puis le coup de pistolet part, qui manque sa victime. Le carton de pizza lui a peut-être sauvé la vie en gênant le fonctionnement de l'arme. Pour lui, il était "condamné à mort" ce soir-là.

Le directeur des ressources humaines, en chaussettes, dans le noir et dans la neige, poursuit alors son agresseur et le ceinture dans un "combat assez rude", sans pouvoir le maîtriser. Il parvient à s'enfuir en voiture.

ADN de l'accusé

Mais Bertrand Meichel récupère des éléments perdus dans la bagarre: lunettes (factices) et masque chirurgical qui lui cachaient le visage, casquette. Carton à pizza. Sur certains d'entre eux seront trouvées les empreintes génétiques de Gabriel Fortin. Un bouton de blouson arraché, là encore avec l'ADN de l'accusé, correspondra à la veste trouvée en possession de Gabriel Fortin lors de son arrestation, deux jours plus tard.

Bertrand Meichel vient à la barre des témoins avec un sentiment de culpabilité. Celle d'avoir été celui qui a tout appris du métier de DRH à Estelle Luce, qui lui a valu de devenir une cible. "Je m'en veux plus de ne pas avoir réussi à l'arrêter le soir de l'agression", confie-t-il encore.

La victime "ne se sentait pas en danger"

Lundi matin, à la reprise du procès qui entame sa deuxième semaine pour un verdict prévu le 30 juin, Gabriel Fortin était resté de marbre face aux proches d'Estelle Luce - la cour aborde les faits par ordre chronologique. Le compagnon de cette dernière, Alain S., a décrit la "pire journée de (sa) vie", face à Gabriel Fortin figé dans sa posture habituelle, le regard tourné vers la cour.

Avant le drame, "Estelle ne se sentait pas en danger", a-t-il confié à la cour, malgré le dénigrement sur internet qu'elle avait pu subir, tout comme Bertrand Meichel, avec la création de faux profils sur les réseaux sociaux. Ces fausses identités numériques ont pu être reliées, au fil de l'enquête, à Gabriel Fortin. "On n'avait pas idée d'aller chercher aussi loin dans ses relations professionnelles, encore moins pendant un stage", a expliqué Alain S.

De la même façon, Bertrand Meichel ne pense pas immédiatement à Gabriel Fortin, qu'il n'a pas reconnu lors de l'agression. "Je me doutais qu'il y avait un lien avec les faux profils, avec les licenciements économiques. A ce moment je ne pense pas à M. Fortin, car il avait été licencié pour des raisons personnelles", son comportement et son incompétence, souligne-t-il.

Licenciement "brutal"

La défense de son côté s'est attardée sur les circonstances du licenciement de Gabriel Fortin, en août 2006, suggérant que la procédure pourrait ne pas avoir été respectée. "Vous pouvez comprendre que le salarié ait compris cette procédure comme brutale?", demande ainsi Me Romaric Chateau. "Je ne connais pas beaucoup de salariés licenciés qui ne l'ont pas vécu de façon brutale", répond Bertrand Meichel, qui avait refusé de limoger Gabriel Fortin pour "faute grave".

Une procédure aux prud'hommes avait été entamée par Gabriel Fortin, finalement inaboutie. L'accusé affirme que la faute revient à ses avocats de l'époque. Ses seuls commentaires au terme d'une journée chargée en émotion seront pour demander à "rétablir la vérité" sur cette procédure.

J.C. avec AFP