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Procès du Carlton: sur les écoutes téléphoniques, que dit la loi?

L'hôtel Carlton à Lille.

L'hôtel Carlton à Lille. - Philippe Huguen - AFP

Une requête en nullité a été déposée par la défense dans le procès du Carlton de Lille, les avocats estimant qu'on leur avait caché un pan de l'enquête, en l'espèce des écoutes administratives. Ces écoutes sont-elles légales?Auraient-ils dû en avoir connaissance? BFMTV.com fait le point.

Le tribunal qui juge l'affaire de proxénétisme dite du Carlton, saisi samedi d'une requête en nullité, a décidé lundi de joindre au fond sa décision et donc de poursuivre le procès. Plusieurs avocats de la défense avaient pourtant longuement plaidé la nullité du dossier, estimant qu'on leur avait caché un pan de l'enquête, en l'espèce des écoutes administratives. Ces écoutes pouvaient-elles être organisées dans ce genre de dossier? Les différents avocats auraient-ils dû en être informés? On fait le point sur ce que dit la loi.

> Qu’est-ce qu’une écoute administrative?

Il existe deux types d’écoutes téléphoniques. Dans la plupart des cas, il s'agit d'écoutes judiciaires, ordonnées par un magistrat dans le cadre d'une enquête. 

Le deuxième cas concerne les écoutes "administratives", encore appelées "interceptions de sécurité" et encadrées par une loi du 6 janvier 1991. Celles-ci ne peuvent être ordonnées que pour des affaires en rapport avec la "sécurité nationale", la "sauvegarde des éléments essentiels du potentiel scientifique et économique de la France", la prévention du terrorisme, "de la criminalité et de la délinquance organisée" et enfin de "la reconstitution ou du maintien de groupes dissous".

> Qui est concerné?

En 2013, 47.548 interceptions de communications électroniques (écoutes téléphoniques et courriels) ont été réalisées contre 35.000 l'année précédente, selon les chiffres de la Chancellerie. Les autorisations d'écoutes concernent en majorité (60%) la prévention de la criminalité et de la délinquance organisée, loin devant la prévention du terrorisme (24%). Dans son rapport d'activité publié fin janvier, la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS) note que 6.100 interceptions de sécurité ont été menées en 2013, un chiffre stable par rapport à 2012. 

"Les crimes et délits aggravés de proxénétisme, listés dans le code pénal, rentrent dans ce cadre, au même titre que ceux liés au trafics de stupéfiants ou aux escroqueries en bande organisée", explique une source proche du dossier. Une écoute administrative est demandée "lorsque les services (police, gendarmerie, douanes) ne peuvent judiciariser un renseignement ou obtenir, par des moyens d'enquête classiques, de certitude sur leurs soupçons", explique cette source. Cette demande doit faire état de soupçons "montrant l'implication directe et personnelle de la personne à écouter".

> Qui peut ordonner une mise sur écoute?

L'autorisation d'écouter les conversations de particuliers est accordée par décision écrite du Premier ministre, sur proposition motivée des ministres chargés de la Défense, de l'Intérieur ou des douanes. Elle est valable quatre mois, renouvelables. Les écoutes administratives sont toujours effectuées par le Groupement interministériel de contrôle (GIC), qui dépend du Premier ministre.

La CNCIS est chargée de veiller au respect des procédures et de la vie privée. Elle formule un avis en amont de la délivrance de l'autorisation par le Premier ministre.

> Que fait-on des données collectées?

Les enregistrements doivent être détruits au plus tard dix jours après avoir été effectués. Seuls les renseignements liés aux affaires ayant motivé les écoutes sont transcrits.

"Dès que l'on peut ouvrir une enquête, on le fait. Le contraire serait un non-sens. Le but est d'arrêter les criminels, pas de les écouter", explique par ailleurs une source policière.

> Les particuliers et les magistrats doivent-ils être informés de l'existence d'une écoute administrative?

Les transcriptions des écoutes administratives sont couvertes par le secret-défense, "qui interdit toute révélation sur l'existence ou l'inexistence d'une interception de sécurité", selon la CNCIS. "Si une enquête judiciaire est ouverte, les transcriptions ne sont pas versées à l'enquête, ni portées à la connaissance des magistrats. Elles doivent être détruites et leur destruction fait l'objet d'un procès verbal", précise une source policière.

Un particulier, qui s'estime à tort l'objet d'écoute administrative, peut se tourner vers la CNCIS. Elle répond, "quelle que soit la situation révélée par les opérations de contrôle", avoir "procédé aux vérifications nécessaires", selon le rapport de la commission. "La personne n'a pas à savoir si elle a été écoutée ou non. S'il y a anomalie, la CNCIS adresse au Premier ministre une recommandation pour interrompre une écoute ou adresse un signalement à l'autorité judiciaire", détaille une source proche du dossier.

"Si un juge cherchait à connaître l'existence ou non d'une interception de sécurité, il devrait en faire la demande auprès de la CNCIS ou du Premier ministre", ajoute cette source proche du dossier. "Si sa demande était jugée nécessaire, la décision de déclassifier l'information reviendrait à la Commission consultative du secret de la défense nationale (CCSDN)."

V.R. avec AFP