Procès du cannabis thérapeutique : "une orthodoxie médiévale"

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Pierre Evangelisti, atteint d’un cancer depuis 2004, consomme quotidiennement du cannabis pour apaiser la douleur. En 2009, il est arrêté lors d’un coup de filet et se retrouve poursuivi pour détention et usage de stupéfiants. En dépit des certificats médicaux, la justice maintient les poursuites. Entretien avec son avocat Me Emmanuel Ludot, qui estime ce procès contraire aux principes constitutionnels.
En 2011, un homme atteint d’une sclérose en plaques et qui cultivait du cannabis chez lui a été condamné mais dispensé de peine. En quoi le procès de votre client est-il différent?
A Strasbourg, une application bienveillante de la loi avait été requise. Cela ne m’intéresse pas car il s'agit quand même d'une condamnation. Or, je considère que mon client n'a pas à être poursuivi.
Vous dénoncez une atteinte au droit élémentaire à se soigner, qu'est-ce que cela signifie ?
La notion de cannabis thérapeutique n’existe pas en France. Pierre Evangelisti est quelqu’un qui n’avait jamais consommé de cannabis avant son cancer, il le fait par nécessité. Or, il n’existe pas de texte du code pénal qui prévoit l’usage de ce type de stupéfiant par nécessité. Je pose ainsi la question au conseil constitutionnel : interdire le cannabis dans un but thérapeutique, n’est-ce pas contraire au principe constitutionnel du droit de la santé ?
Cela sous-entend que selon vous un malade devrait pouvoir se soigner avec ce que "bon lui semble" ?
Effectivement. Dès l’instant où l’on ne porte pas atteinte aux autres et que l’on ne menace pas la santé et la sécurité d’autrui, c’est la liberté d’accès aux soins, et de choix thérapeutique. L’usage de la morphine par exemple est encadré, on pourrait très bien envisager la même chose avec le cannabis, on a les moyens d’extraire la molécule, et de la transformer en gélule (ndlr - existe déjà au Royaume-Uni, en Espagne, aux États-Unis…).
Alors, qu’est-ce qui bloque, finalement, avec le cannabis ?
Actuellement le débat se résume à pour ou contre la dépénalisation du cannabis. Or, ce n’est pas le problème. Je considère, par ailleurs, que c’est une drogue extrêmement dangereuse, surtout chez les jeunes. Concernant la notion de cannabis thérapeutique, la France fait une résistance abusive. Notamment de la part des médecins de l’Académie qui sont les gardiens d’une espèce d’orthodoxie médiévale, qui refusent tout.