Procès de Rédoine Faïd: l'accusé à l'identité cachée continue de "balancer"

Une semaine après "l'incident technique", qui a dévoilé par erreur son visage en gros plan sur les écrans de la salle du procès de Rédoine Faïd, l'un des accusés, caché derrière un paravent, a continué de tout "balancer". "Au point où j'en suis", a-t-il lâché face à la cour, ce mercredi.
Depuis le début des audiences, tout avait été aménagé pour dissimuler le visage de Marc (prénom modifié) au public. Ce mercredi, pour éviter l'erreur de la semaine passée, les écrans de rediffusion de la grande salle d'audience sont restés éteints.
Cet accusé de 48 ans, jugé libre, a changé de vie et d'identité comme sa femme et leurs trois enfants, après avoir dénoncé une figure du grand banditisme corse dans un dossier de double assassinat à l'aéroport de Bastia fin 2017. Ce désormais ex-ami, Jacques Mariani, 57 ans dont 38 en prison, comparaît depuis le box, étant "détenu pour autre cause".
"Des proportions complètement folles"
Tous deux devaient être des personnages secondaires dans le tout petit volet "corse" d'un procès de sept semaines consacré à la spectaculaire évasion par hélicoptère de la prison de Réau de Rédoine Faïd, en 2018.
Mais ils y prennent finalement beaucoup de place, entre les sorties bondissantes de Jacques Mariani dans le box ou celles de ses proches dans le public (pour traiter Marc de "menteur" ou son avocate de "chèvre"), les questions interminables de sa défense, les échanges tendus entre les avocats des deux hommes - qui leur ont valu une convocation dans le bureau de la présidente... et enfin ce fameux "incident technique".
Cette affaire "prend des proportions complètement folles", reconnaît lui-même Marc à la barre, sa voix traînante résonnant derrière le paravent de bois qui le suit partout à l'audience.
L'affaire en question est un précédent projet d'évasion de 2017, "pas pris au sérieux" quand Marc l'avait révélé aux enquêteurs, mais remonté "à la surface de l'eau" après l'évasion réussie de Réau, dit celui qui assure avoir rencontré Jacques Mariani "par hasard" alors que ce dernier était veilleur de nuit dans un hôtel de la Baule dans le cadre d'une libération conditionnelle.
"Commentaires mimés"
À la barre, Marc raconte la rencontre avec Rachid Faïd, venu remettre une "lettre" de la part de son frère Rédoine à Jacques Mariani. Le braqueur multirécidiviste a besoin d'aide pour s'évader, à l'époque de la prison de Fresnes. En échange, il promet de "faire assassiner les piliers" d'un clan rival corse. La présidente a prévenu qu'elle ne tolérerait pas les interventions dans le box.
Alors Rachid Faïd bouillonne en silence quand Marc affirme qu'il a demandé "250.000 euros" à Jacques Mariani pour l'évasion de son frère. Jacques Mariani se retient, mais finit par hurler "j'avais un bracelet géolocalisable !", quand Marc soutient que le bandit corse avait proposé de participer en personne à l'évasion.
Quant à Rédoine Faïd, il mime la fumette quand Marc suggère pour la première fois que le braqueur avait proposé de faire appel à ses "contacts dans le cannabis au Maghreb" pour financer l'évasion.
"M. Faïd, je vous demande de ne pas faire de commentaires mimés", demande la présidente.
"On pense tous que vous faites partie d'un service"
Si Marc prend autant de place à l'audience, c'est aussi parce qu'il a perdu son statut de "repenti" en 2021, retiré "à l'unanimité des huit voix" de la commission chargée de l'octroyer, rappellent régulièrement les avocats de Jacques Mariani et des Faïd. Malgré les demandes répétées de la justice, la commission n'a jamais voulu expliquer pourquoi, alimentant les suspicions de la défense sur la crédibilité de ses déclarations.
"Évidemment que de ce côté-ci de la barre, on pense tous que vous faites partie d'un service", lui demande l'un des avocats de Rédoine Faïd, Me Yves Leberquier.
"Si vous faisiez partie d'un service de l'État, vous le diriez ?" "Je ne comprends pas la question", élude l'accusé. Me Leberquier rappelle le parcours atypique de celui qui a fait de la politique, organisé une visite des parlementaires dans la Syrie de Bachar al-Assad en 2015, investi dans des fermes solaires en Iran et en Ukraine...
"On a l'impression", lance-t-il, "d'être dans le Bureau des légendes", série télévisée d'espionnage centrée sur des agents, dits clandestins, de la Direction générale de la Sécurité extérieure. L'interrogatoire de Jacques Mariani est prévu jeudi.