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"Prêts à toutes les exactions": derrière les tentatives d’enlèvements liés aux cryptomonnaies, la piste d'un vaste réseau criminel

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Vendredi 30 mai, 25 hommes ont été mis en examen pour tentative d’enlèvement et association de malfaiteurs, dont 18 incarcérés en détention provisoire. Les investigations ont permis de mettre au jour une organisation criminelle très cloisonnée à l'origine de ces affaires, selon les informations de BFMTV.

“Des exécutants au profil de jeunes délinquants issus des quartiers difficiles, prêts à toutes les exactions afin d’assouvir leur désir d’argent facile.” C’est par ces mots que les enquêteurs de la Brigade de répression du banditisme (BRB) décrivent, dans un rapport de synthèse, le réseau criminel qui a tenté d'enlever la fille du fondateur de l'entreprise de cryptomonnaie Paymium, à Paris en plein jour le 13 mai dernier, a appris BFMTV ce samedi 31 mai, confirmant des informations du Parisien

Lundi 26 et mardi 27 mai, 25 jeunes hommes, qui ne se connaissaient pas tous entre eux, sont interpellés et placés en garde à vue grâce à un travail intense d’écoutes, de renseignement et de filatures de la BRB qui a permis de les identifier en très peu de temps. Logisticien, exécutant, intermédiaire... Chacun est soupçonné d’avoir joué un rôle précis. Leur âge interpelle: les plus âgés ont 23 ans, les trois plus jeunes 16 ans seulement.

Tous ont été mis en examen vendredi à l’issue de leurs gardes à vue pour "tentative d’enlèvement en bande organisée" et "participation à une association de malfaiteurs", des faits criminels d’une extrême gravité. Les investigations se poursuivent désormais sous l’égide d’un juge d’instruction. 

“Un plan” d’enlèvement à 4.000 euros

En garde à vue, l’un des suspects explique s’être vu proposer un “plan” d’enlèvement pour 4.000 à 5.000 euros, par un mystérieux commanditaire, toujours recherché selon nos informations.

“J’ai participé sans réfléchir”, se justifie ainsi ce suspect, attiré sans état d’âme par le gain.

L’exploitation du téléphone d’un autre suspect, âgé de 17 ans, montre que lui avait recherché sur Internet “nombre d’années de prison pour une séquestration".

Des hommes en noir et cagoulés

L’enquête débute le 13 mai dernier. Ce jour-là, peu avant 8h30, une femme âgée de 35 ans, et dont le père est patron d’une entreprise de cryptomonnaies, sort de son domicile parisien avec son compagnon et leur enfant de 2 ans.

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Trois hommes surgissent alors d’une camionnette, vêtus de noir et cagoulés, et rouent de coups le couple “sans aucune pitié” pour tenter d’enlever la jeune femme.

“Devant l'obstination” du couple qui résiste, et “l’intervention d’un voisin”, notent les enquêteurs, les trois hommes finissent par s’enfuir, avec un quatrième complice au volant, laissant la famille blessée et traumatisée. 

Traces ADN et panne de porte de garage

La camionnette, rapidement abandonnée par les malfaiteurs et retrouvée par la police grâce à l’exploitation de caméras de vidéosurveillance, sera l’un des premiers fils que vont tirer les enquêteurs.

À l’intérieur, ils retrouvent “tout l’attirail nécessaire à une séquestration violente”: du scotch, un marteau, des gants, des cagoules ou encore des câbles en plastique pouvant servir à ligoter quelqu’un. Et des traces ADN qui, dès le lendemain, permettent l’identification des premiers suspects. 

Néanmoins, l’enquête va démontrer que l’organisation a agi de façon déterminée et implacable: les malfaiteurs, dont certains avaient épié les habitudes de la jeune femme, avaient prévu de transborder leur victime d’une camionnette à une autre dans un parking souterrain à quelques centaines de mètres du lieu de l’enlèvement, pour permettre une fuite discrète avec un autre homme vers le lieu de séquestration.

L’enlèvement aurait vraisemblablement dû avoir lieu la veille, le 12 mai, avec une première équipe de malfaiteurs. Mais une porte de garage hors service, empêchant toute sortie de véhicule pendant quelques heures, met à terre le plan ce jour-là, a démontré l’enquête. 

Une autre tentative d’enlèvement près de Nantes

La tentative avortée à deux reprises ne réfrène pas les ardeurs criminelles du groupe. Le 24 mai dernier, alors que les enquêteurs sont sur les traces des suspects, ils découvrent qu’un autre homme prend la route pour Nantes avec l’un des véhicules surveillés.

Dans les jours qui suivent, alors qu’ils observent un ballet de voitures avec de nouveaux suspects allant et venant entre la banlieue de Nantes et la banlieue parisienne, les hommes de la brigade de répression du banditisme acquièrent la conviction qu’une nouvelle tentative d’enlèvement est sur le point de survenir.

La cible potentielle? Une autre famille liée au domaine des cryptomonnaies, vivant à Couëron, à côté de Nantes. Un homme et sa compagne devaient être enlevés simultanément en deux lieux différents.

Devant leur détermination, les enquêteurs n’hésitent pas et lancent les deux vagues d’interpellations du 26 et 27 mai, en région parisienne et nantaise, permettant à ce couple d’éviter peut-être le pire. Les enquêteurs retrouvent dans les véhicules visés des armes à feu factices, des gants, des cagoules ou encore des bombes lacrymogènes.

Reste désormais à identifier qui était le ou les donneurs d’ordre, employant cette main-d’œuvre facile à recruter via les messageries chiffrées, et désormais aux mains de la justice.

Alexandra Gonzalez