Pourquoi les gardiens bloquent les prisons

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A partir de ce lundi 4 mai, les gardiens de prisons, qui réclament plus de personnels et dénoncent la surpopulation, commencent à bloquer progressivement les établissements pénitentiaires partout en France à l'appel de l'intersyndicale Ufap - FO - CGT. Les syndicats ont d'abord prévu d'empêcher les 4 et 5 mai les extractions et transferts de détenus, puis les 6 et 7 mai, d'étendre le blocage aux intervenants extérieurs, comme les visiteurs de prison, les avocats ou les concessionnaires assurant l'approvisionnement, sauf pour l'alimentation. Ensuite, faute de propositions de la garde des Sceaux Rachida Dati, les syndicats de surveillants, qui n'ont pas le droit de grève, se réuniront à nouveau pour décider de la suite à donner au mouvement.
Pas assez de surveillants pour trop de détenus
Les surveillants sont au bord de la crise de nerf. Notamment à cause de la surpopulation carcérale et du manque d'effectifs : on est passé de 58 400 détenus en 2007 à 63 400 au 1er avril de cette année, pour seulement 51 000 places réellement disponibles. Alors qu'ils ne sont que 24 000 surveillants, la CGT, estime qu'il faudrait qu'ils soient au moins 2 000 de plus pour pouvoir effectuer correctement leurs missions. De son côté, la chancellerie indique que 1 000 personnels pénitentiaires ont été recrutés l'an passé. Problème, selon les syndicats de gardiens, ces personnels n'ont été affectés qu'aux établissements pénitentiaires les plus récents, laissant la majorité des prisons françaises sans personnels supplémentaires.
« Il faut arrêter d'incarcérer à tout-va »
Les personnels pénitentiaires pointent du doigt une accumulation de textes de loi qui permettent selon eux d'incarcérer à tout va. Exemple : des conducteurs sans permis ou sans assurances, des défauts de versements de pension alimentaire... sont envoyés derrière les barreaux pour 2, 3 ou 4 mois, alors qu'auparavant, ils écopaient de travaux d'intérêt général. Ils dénoncent également les peines planchers qui permettent d'emprisonner de nombreux récidivistes. Les gardiens affirment aussi qu'aujourd'hui, 75% des prisonniers purgent une peine inférieure ou égale à un an de détention. Ils réclament donc moins d'emprisonnements pour des courtes peines et plus de personnels. Amed El Houmas, gardien de prison à Fresnes dans le Val-de-Marne et délégué CGT, n'en peut plus de devoir gérer plus d'une centaine de détenus, auxquels il regrette de n'avoir « aucun temps à consacrer. Il faut arrêter d'incarcérer à tout-va, ajoute-t-il, donner un sens pénal et plus d'alternative à l'incarcération. »
Des gardiens « fatigués, usés, la boule au ventre... »
A cause de la surpopulation en prison, les détenus sont de plus en plus agressifs, selon les gardiens, comme en témoigne Didier Defop, lui aussi gardien de prison à Fresnes : « chaque matin, on va travailler assez fatigué, très usé, la boule au ventre en se demandant ce qui va encore nous arriver. De plus en plus souvent, on est agressé de manière violente. Comme on manque de personnel, les agressions arrivent beaucoup plus vite. Un surveillant seul dans une coursive de 120 détenus, ne peut pas tout gérer : il n'a pas le temps, donc avec le poids de l'enfermement, ça va au clash. » La situation s'est en effet dégradée depuis fin 2008, avec une vague d'homicides et de suicides : 115 l'année dernière et une cinquantaine depuis le début de l'année, avec notamment des suicides chez les personnels pénitentiaires.
« La plupart des peines planchers n'ont pas de sens »
Emmanuelle Perreux est juge d'application des peines et présidente du syndicat de la magistrature. Certains types de peines sont-ils à l'origine selon elle de l'accroissement du nombre de détenus dans les prisons françaises ? « Sans conteste, il y a un effet multiplicateur ces derniers mois ; et je pense notamment aux effets dévastateurs de la loi qui a créé les peines planchers, ces peines minimums que le juge doit prononcer lorsque la personne a récidivé, soit pour des faits de vol, soit pour des faits d'infractions au code de la route. Nous savons que la plupart du temps ces peines n'ont pas de sens. Malheureusement, la politique pénale va sans cesse dans le sens de l'incarcération. »