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Plus grands escrocs de l'Histoire: le faux Martin Guerre, imposteur de génie

Gérard Depardieu a repris le rôle du faux Martin Guerre au cinéma, en 1982.

Gérard Depardieu a repris le rôle du faux Martin Guerre au cinéma, en 1982. - Georges Pierre - Sygma - Corbis

Cet été, BFMTV.com revient sur ces grands escrocs qui ont marqué leur époque, avec Pierre Lunel, auteur d'un livre sur le sujet. Aujourd'hui, l'histoire du faux Martin Guerre...

L’histoire de Martin Guerre est celle d’une des plus grandes impostures de l’Histoire, et elle débute dans l’Ariège, au 16e siècle. Martin, d’origine basque, grandit paisiblement dans le village d'Artigat, jusqu’au jour où il épouse une demoiselle de la petite noblesse, Bertrande. Tous deux sont alors à peine âgés d’une quinzaine d’années.

Hélas! Dès la nuit de noces, surgit un problème: Martin est "noué à l’aiguillette", selon l’expression d’usage à l’époque. Autrement dit, il est impuissant. Et le restera durant les huit années suivantes, malgré l'insistance de ses proches, désespérés de ne pas voir de progéniture à l’horizon.

Le départ du véritable Martin

Las! Un jour, le jeune homme, sans prévenir personne, s’en va tenter fortune ailleurs, et cesse de donner des nouvelles. On apprendra par la suite qu’il a rejoint l’armée espagnole, a été blessé au combat, et s'est fait amputer d'une jambe. Bertrande, esseulée au village, se refuse pourtant à le condamner et à aimer un autre homme. Elle en est persuadée: son Martin reviendra un jour. Mais les villageois se gaussent: elle a été abandonnée, voilà tout!

Son obstination finit pourtant par payer: un jour, un jeune homme débarque au village, clamant s'appeller Martin Guerre... Le Martin Guerre parti bien des années plus tôt! Son visage semble avoir changé. Sa voix n’est plus la même. Mais peu importe: il se rappelle des détails précis sur chacun, prouvant là qu’il les a tous connus. Et comble du comble, sa femme Bertrande le reconnaît! Le faux Martin, puisqu’il s’agit en réalité d’un certain Arnaud du Thil, prend alors place dans le lit conjugal, et lui fait bientôt deux beaux enfants. La vie reprend tranquillement son cours à Artigat.

L'usurpateur au village

Comment Arnaud du Thil a-t-il pu réussir ce coup de génie? L'histoire ne le dit pas clairement. Selon toute vraisemblance, le jeune homme, passant dans la région, aurait entendu parler de la disparition soudaine de Martin Guerre, et des terres dont il a hérité en son absence. Il aurait alors décidé d'usurper son identité, prenant soin de s'y préparer en glanant ça et là dans les villages alentour des détails sur son passé.

La supercherie commence toutefois à se fissurer lorsqu’il décide de revendre une partie des terres. L'oncle de Martin Guerre, qui doutait déjà de lui, tempête: cet homme n’est pas son neveu. Le village d’Artigat se divise alors, et bientôt voilà les pro et les anti-Martin Guerre qui s’écharpent.

Le "procès du siècle"

Deux ans plus tard, l’oncle soupçonneux réussit à traîner le jeune homme en justice. Le juge fait défiler pas moins de 150 témoins à la barre. Ici, le cordonnier assurant que le nouveau Martin n’a plus la même pointure. Là, la soeur qui jure ses grands dieux qu'il s'agit bien de son frère… Le clou des auditions sera celle de Bertrande. Probablement consciente de ce qu’il ne s’agit pas là de son mari, Bertrande est pourtant tombée amoureuse de ce Martin Guerre attentionné, gentil, et travailleur. Devant le juge, elle s’en sort avec brio, jurant mordicus qu’il s’agit bien de son époux.

Pourtant, en avril 1560, le verdict tombe: Arnaud du Thil, alias Martin Guerre, est coupable d’usurpation d’identité. Il est condamné à la peine de mort. L’escroc fait appel, et bien lui en prend: le second juge décide de l’absoudre.

Le retour du "fils prodigue"

Soudain, un événement inouï survient. Un homme à la jambe de bois arrive au village. Il affirme s’appeler Martin Guerre, avoir entendu parler de ce "procès du siècle", et désire être immédiatement entendu par le juge. Onze ans après avoir quitté Artigat, Martin Guerre est revenu. Tout le monde le reconnaît immédiatement, y compris ses soeurs, qui avaient pris fait et cause pour Arnaud du Thil. Quant à Bertrande, pourtant amoureuse de l’autre Martin, elle n’a d’autre choix que de tomber dans les bras de son véritable mari, terminant ainsi de démasquer définitivement l’escroc.

Le 12 septembre 1560, Arnaud du Thil confesse enfin sur l’échafaud sa ruse phénoménale, probablement réussie grâce à un talent d’acteur et à une mémoire prodigieuse. Il demande pardon à Dieu, prie le véritable Martin Guerre de prendre soin de sa femme, et termine pendu.

Plus de quatre siècles après, Gérard Depardieu immortalisera son histoire au cinéma dans Le retour de Martin Guerre, en 1982, triplement primé aux César.

"Les plus grands escrocs de l'Histoire" de Pierre Lunel, Ed. First, 317 pages, 17,95 euros.

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