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Police-Justice

 Patrick Henry: un tueur devenu le symbole de la lutte pour l'abolition de la peine de mort

Photo prise le 18 janvier 1977 de Patrick Henry (lunettes) dans le box des accusés et de son défenseur Me Robert Badinter (1er plan).

Photo prise le 18 janvier 1977 de Patrick Henry (lunettes) dans le box des accusés et de son défenseur Me Robert Badinter (1er plan). - STF - AFP

Assassin du petit Philippe Bertrand, un enfant de sept ans, en 1976, il était promis à la guillotine. Mais un an plus tard, les plaidoiries de son avocat, un certain Me Robert Badinter, ont convaincu les jurés de le condamner à la réclusion criminelle à perpétuité. Et marqué le premier pas vers l'abolition de la peine de mort.

Il ne va pas encore retrouver la liberté. Condamné en 1977 à la réclusion à perpétuité pour le meurtre d'un enfant, Patrick Henry a obtenu jeudi une libération conditionnelle. Mais le parquet de Melun a fait appel de cette décision. L'appel étant suspensif, il reste en détention pour l'instant.

En 2001, considéré comme un détenu modèle, Patrick Henry avait obtenu sa mise en liberté conditionnelle après 25 ans de prison. Mais cette première sortie sous les feux des médias avait mal tourné: seize mois plus tard, il était tombé pour transport illicite de drogue après avoir été interpellé en Espagne avec 10 kg de cannabis dans sa voiture. Il était retourné derrière les barreaux et était retombé sous le régime de la réclusion criminelle à perpétuité.

Depuis 2002, selon son avocate, cinq demandes de libération conditionnelle avaient déjà été acceptées dans un premier temps par le tribunal de l'application des peines, avant d'être rejetées après appel du parquet.

"La France a peur"

A 62 ans, Patrick Henry est peut-être le détenu le plus connu de France. Le 30 janvier 1976, il enlève Philippe Bertrand, 7 ans, le petit-fils d'un industriel de Troyes à la sortie de l’école. Moins d’une heure plus tard, le téléphone sonne chez les Bertrand. Le ravisseur réclame 1 million de francs de rançon. La cabine téléphonique d’où il passait l'appel est repérée. Entendant les sirènes de la gendarmerie, Patrick Henry s'enfuit. Il va tuer le petit garçon. Le corps sera retrouvé le 17 février, enroulé dans une couverture sous le lit d’une chambre d'hôtel louée sous un faux nom.

Patrick Henry est arrêté. L’affaire a des allures de pyschodrame national. Des millions de Français ont vécu dans l’angoisse les recherches du petit Philippe Bertrand et le chantage à la rançon. "Ce soir, la France a peur", lance le présentateur Roger Gicquel en ouverture du JT de la première chaîne, le 18 février.

"N'ajoutez pas la mort d'un jeune homme!"

Le procès de celui qu'on appelle "le monstre" s'ouvre à Troyes moins d'un an après, le 19 janvier 1977. Patrick Henry a l’opinion publique contre lui. Il fait peu de doute que cet homme blond-roux de 23 ans, aux lunettes à montures dorées va tout droit à la mort. Devant le tribunal, la foule prise d’effroi et scandalisée par ce crime odieux réclame la mort du voleur d’enfant assassin. Un avocat refuse de devenir son conseil, un autre renonce devant la pression populaire. Il sera défendu par Me Robert Bocquillon, bâtonnier de Chaumont, où Patrick Henry était incarcéré, et Me Robert Badinter.

Par téléscopage, le procès devient celui de la peine de mort. Robert Badinter prend à partie chacun des douze jurés. "Le seul problème est de savoir si l'on va ou non le couper en deux", lance froidement l’avocat. La France est alors, avec l'Espagne, l’un des derniers pays en Europe occidentale à maintenir la peine de mort.

"Il n'y aura pas de grâce présidentielle", prévient Robert Badinter. "Vous seuls avez le droit de vie et de mort. Si vous décidez de tuer Patrick Henry, c'est chacun de vous que je verrai au petit matin, à l'aube (pour l’exécution, Ndlr). Et je me dirai que c'est vous, et vous seuls, qui avez décidé". "N'ajoutez pas à la mort d'un enfant la mort d'un jeune homme!", implore-t-il encore.

Le 20 janvier, reconnu coupable du meurtre de Philippe Bertrand, Patrick Henry est condamné à la réclusion criminelle à perpétuité. A la stupeur générale, il échappe de justesse à la guillotine. Devant le tribunal, des centaines de personnes scandent: "A mort!".

Dernière exécution en 1977

Le débat gagne l’arène politique. Durant la campagne présidentielle de 1981, François Mitterrand se positionne en faveur de l’abolition de la peine de mort, alors que 63% des Français se prononcent pour le maintien (d’après un sondage Sofres en janvier). Elu président de la République en mai, il porte Robert Badinter au ministère de la Justice. A sa prise de fonction place Vendôme, celui-ci lance le chantier de l’abolition. Le 17 septembre, il prononce un vibrant discours pendant près d’une heure et demie à la tribune de l’Assemblée. Le 18 septembre, la loi est votée avec 363 voix pour et 117 contre. Approuvée par le Sénat le 30 septembre, elle est promulguée le 9 octobre.

Condamné à mort un mois après le verdict du procès de Patrick Henry pour avoir torturé et assassiné son ancienne compagne, Hamida Djandoubi aura été le dernier exécuté en France, le 10 septembre 1977.

V.R.