"Pas une bonne idée": les inquiétudes que soulève le paiement immédiat des amendes pour consommation de cannabis

Faire payer immédiatement pour remédier au problème d'amendes impayées. C'est la solution présentée par Emmanuel Macron, en préambule de son déplacement à Marseille, pour lutter contre le trafic de drogue. Le président de la République a annoncé que les policiers qui verbaliseront les consommateurs de drogue pourront désormais faire payer les amendes forfaitaires immédiatement, soit par carte bancaire, soit en liquide.
L'idée de l'exécutif est de lutter contre les amendes impayées alors que le chef de l'État met en avant que si 350.000 amendes forfaitaires ont été dressées depuis 2020, le taux de recouvrement n'est que de 35%. Mise en place en 2016, l'amende forfaitaire pour les consommateurs de drogue s'élève à 200 euros la première fois. Un montant majoré ou minoré selon le délai de paiement.
"Pas une bonne idée"
"Je ne crois pas que ce soit le rôle d’un policier de percevoir une amende forfaitaire délictuelle", tranche sur BFMTV Rudy Manna, secrétaire départemental du syndicat Alliance Police nationale dans les Bouches-du-Rhône. "Quand on est policier si j’ai bien compris, on doit être un peu multitâches. On est policier, on est parfois un peu psychologue, on est parfois les premiers secours, et aujourd’hui on va aussi être percepteur des finances", ironise-t-il.
"La charge de leur recouvrement, allant jusqu'au liquide, imposée aux policiers n'est pas une bonne idée!", dénonce sur Twitter Grégory Joron, secrétaire national du syndicat Unité SGP FO.
D'un point de vue pratique, les policiers s'interrogent: "Quand on contrôle un individu, on lui remet cette amende. Maintenant, il faudra lui demander de la régler. Est-ce qu’on pourra l’obliger à le faire s’il a une CB sur lui? Est-ce qu’on pourra y saisir de l’argent liquide? Si on lui fait juste la proposition, ils diront tous qu’ils veulent attendre pour payer", estime Rudy Manna.
Cette nouvelle procédure pose également la question du transport de sommes en liquide par les policiers, qui peut mettre leur sécurité en péril.
"Risque d'arbitraire"
En mai dernier, la Défenseure des Droits dénonçait d'ailleurs ce système, avant même qu'il ne soit question de demander aux policiers d'encaisser le montant des amendes. "Risque d'arbitraire", "erreur de qualification des faits", "atteinte au droit": ses inquiétudes étaient nombreuses. Avant l'instauration des amendes forfaitaires délictuelles, un consommateur de drogue était interpellé et conduit au commissariat, avant d'être présenté au parquet. Une autorité judiciaire décidait alors de la sanction. Désormais, c'est le policier qui constate l'infraction qui délivre l'amende.
"La forfaitisation des délits, en privant l’usager d’accès à la justice, déroge à plusieurs principes fondamentaux du droit pénal et de la procédure pénale, tels que le principe de l’opportunité des poursuites, le droit d’accès au juge, les droits de la défense, le principe de l’individualisation des peines", écrivait Claire Hédon faisant valoir un grand nombre de réclamations concernant le dispositif.
Désormais, le policier concentre tous les pouvoirs de la chaîne répressive. "Vous donnez un pouvoir aberrant aux policiers, le pouvoir du législateur puisque c’est le policier qui décidera qui il va verbaliser ou non, le pouvoir du juge, c’est lui qui va décider si la sanction doit être prononcée ou non et le pouvoir de l’exécutant", plaidait pour sa part Me Arié Alimi ce lundi matin sur BFMTV.