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Paris: des femmes lancent une pétition pour dénoncer leur exclusion de certains quartiers

Près du boulevard de la Chapelle, des femmes dénoncent l'exclusion dont elles sont victimes.

Près du boulevard de la Chapelle, des femmes dénoncent l'exclusion dont elles sont victimes. - Osmar Valdebenito - Flickr

Dans le quartier de La Chapelle-Pajol à Paris, des femmes estiment être de plus en plus mises à l'écart et évitent désormais de se déplacer dans certaines rues occupées par des groupes d'hommes. La mairie et la préfecture se disent "déterminées à agir".

Les femmes indésirables dans certains quartiers de Paris? C'est ce que déplorent certaines d'entre elles dans le 10e et 18e arrondissement de la capitale. Dans une pétition sur internet, baptisée "les femmes, espèce en voie de disparition au cœur de Paris", le collectif SOS La Chapelle dénonce les insultes et remarques déplacées subies par les femmes dans le secteur de La Chapelle-Pajol.

"Désormais la place de la Chapelle, la rue Pajol, la rue Philippe de Girard, la rue Marx Dormoy, la station de métro et le boulevard de la Chapelle sont abandonnés aux seuls hommes (...) Certaines d'entre nous se terrent chez elles", écrivent-elles.

Dans le quartier, le nombre de vendeurs à la sauvette et dealers affichant une attitude hostile aux femmes se seraient multipliées, créant un climat d'insécurité rapporté par ces habitantes. Une situation relayée dans Le Parisien qui a recueilli plusieurs témoignages de ces femmes. Une jeune femme de 38 ans explique ainsi ne plus emprunter le boulevard de la Chapelle depuis Stalingrad le soir et ne plus reconnaître son quartier. 

"Le simple fait de circuler est devenu problématique. Le café, en bas de chez moi, un bistrot autrefois sympa, s'est transformé en repaire exclusivement masculin et en permanence bondé: j'ai droit à mon lot de remarques lorsque je passe devant, d'autant plus qu'ils boivent énormément: il y a quelques jours, le simple fait de me mettre à ma fenêtre a déclenché un flot d'injures, j'ai dû m'enfermer dans mon appartement", explique-t-elle. 

"Nous sommes indésirables, nous et nos enfants"

Une autre habitante raconte avoir subi un jet de cigarette allumée dans les cheveux tandis qu'une dame de 80 ans vit désormais retranchée dans son appartement après avoir été agressée sexuellement en rentrant dans son immeuble. 

"Il y a les vols à la tire, les pickpockets, l'alcoolisme de rue, les crachats, les déchets partout, l'odeur entêtante d'urine. Il y a les trafics qui s'enracinent: êtres humains, drogues, cigarettes, vente à la sauvette, ou encore faux documents. Les employés de ces trafics nous signifient chaque jour que nous sommes indésirables, nous et nos enfants", soulignent encore les auteurs de la pétition. 

Une délinquance qui s'est déplacée

Pour Pierre Liscia, élu d'opposition (Les Républicains) dans le 18e arrondissement, la situation n'est pas exagérée. "A titre personnel, dans la mesure où ma compagne passe par là, j'ai peur pour elle et pour les autres habitantes du quartier", confie-t-il à BFMTV.com. D'après lui, le climat du quartier se serait détérioré depuis quelques années.

"La situation a empiré depuis la création de deux zones de sécurité prioritaires (ZSP) dans le 18e et le 19e. La présence policière a été augmentée là-bas mais nous, on est entre ces deux zones, pris en sandwich. Et donc la délinquance qui sévissait des deux côtés s'est déplacée dans le quartier", analyse-t-il. 

Outre un renforcement des moyens, il réclame une fusion de ces deux ZSP pour qu'elles intègrent aussi La Chapelle-Pajol et insiste sur l'urgence. "C'est un trou noir de la République en plein coeur de Paris, c'est une situation qui est inédite et révoltante. Dans le 18e, on concentre toutes les difficultés de Paris, la toxicomanie, la délinquance, la vente à la sauvette et les campements de migrants", poursuit-il. 

Un rassemblement organisé place de la Chapelle

Le cabinet du maire du 18e arrondissement cité par Le Parisien reconnaît la complexité du problème: "Les femmes ont un sentiment de vulnérabilité devant cette violence, souvent associée à l'alcoolisation, mais la réponse publique est essentiellement policière". 

Les élus écologistes de l'arrondissement se disent aussi "inquiets de la situation". Contactés, ils insistent sur la nécessité d'intervenir auprès des populations à la rue.

"Il y a encore et toujours un déficit dans la prise en charge des publics fragiles comme des migrants de la part de l'Etat, notamment, qui n'arrive pas à pallier l'urgence. Conséquence, tout le monde se retrouve dans la rue, essentiellement un public masculin".

Les femmes à l'origine de la pétition ont décidé de poursuivre leur mobilisation. Une marche exploratoire sera organisée dans le quartier pour identifier précisément les lieux d'où elles sont exclues pour en rendre compte aux autorités. Un rassemblement est aussi organisé ce vendredi place de la Chapelle. 

Un dispositif dédié pour sanctionner les auteurs

Vendredi soir, la mairie est la Préfecture de police ont adressé un communiqué de presse commun dans lequel elles disent être "déterminées à agir". Dans ce document, les deux entités expliquent ainsi avoir "identifié cette problématique depuis plusieurs semaines" dans le quartier de Pajol et "déploient un dispositif dédié pour sanctionner les auteurs de ces actes et permettre au plus vite un retour à la normale". 

"Le quartier de Pajol fait partie des zones prioritaires. Des situations de harcèlement de rue à l’égard des femmes y ont été constatées. Si les femmes ne sont pas « interdites » de circuler, il existe bel et bien un fort sentiment d’insécurité qu’il convient de résoudre au plus vite" peut-on lire dans le communiqué.

Concrètement, le dispositif est prévu en deux grands actes, à court et moyen terme. Dans un premier temps, la Ville de Paris et la Préfecture de Police, en lien étroit avec le Maire du 18e arrondissement, vont donc demandé "une augmentation importante des contrôles de police, tout au long de la journée, permettant de caractériser et de sanctionner les infractions commises. À moyen terme, il repose sur des actions de sensibilisation à l’attention des commerçants et de l’ensemble des acteurs locaux" détaille également ce plan.

"Sur le sujet spécifique de la discrimination à l’égard des femmes, la Ville de Paris et la mairie d’arrondissement vont initier une marche exploratoire dans le quartier, un processus qui inclut des temps de marche associant des riveraines, avec une phase de restitution et de mise en oeuvre des propositions. Ce sujet sera abordé lors d’une rencontre entre François Molins, Procureur de la République, et les Maires d’arrondissements, qui se tiendra le 31 mai au Parquet de Paris" précise, enfin, le communiqué de presse commun.

Carole Blanchard