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Police-Justice

"On manque de places": les inquiétudes du personnel pénitentiaire face au transfert des détenus de Vendin-le-Vieil

La prison de Vendin-le-Vieil, dans le Pas-de-Calais.

La prison de Vendin-le-Vieil, dans le Pas-de-Calais. - Denis Charlet - AFP

Des détenus de Vendin-le-Vieil ont commencé à être transférés dans d'autres établissements ce mardi 8 avril, avant le début des travaux qui visent à transformer le bâtiment en prison de haute sécurité. Le personnel pénitentiaire exprime des inquiétudes.

Les transferts de détenus commencent à peine qu'ils suscitent déjà des interrogations. Avant le début des travaux qui vise à transformer Vendin-le-Vieil en prison de haute sécurité d'ici juillet, certains de ses occupants ont commencé à être transférés ce mardi 8 avril.

L'administration pénitentiaire a pour objectif d'y incarcérer, à partir du mois de juillet, les 200 narcotrafiquants les plus dangereux. Selon le ministre de la Justice Gérald Darmanin, ces opérations dites de "désencombrement" se déclineront en plusieurs convois, tout au long du mois d'avril.

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La plupart des détenus actuels de Vendin-le-Vieil, parmi lesquels on retrouve par exemple Salah Abdeslam et Rédoine Faid, vont donc être répartis dans d'autres établissements à peine, c'est-à-dire dans des maisons centrales qui accueillent des détenus exécutant des peines longues.

Encore faut-il pouvoir tous les incarcérer ailleurs dans des conditions adaptées à leurs profils, estime Damien Tripenne, secrétaire national de la CGT Pénitentiaire. Pari corsé, étant donné que ces détenus sont écroués dans des cellules individuelles: "On a un manque de places partout. Donc trouver des places adaptées à ces profils, c'est très compliqué."

"On ne peut pas pousser les murs"

Si le ministre de la Justice assure que la surpopulation des établissements ne sera pas un problème, Damien Tripenne explique que cette crainte est très prégnante chez les agents pénitentiaires. "Quand on travaille avec de l'humain, on ne peut pas pousser les murs", conclut-il auprès de BFMTV.com.

Même inquiétude pour Wilfried Fonck, secrétaire national de UFAP-UNSA Justice, qui indique que les établissements pour peine sont actuellement remplis à 98,8%. "On laisse toujours une marge de manœuvre pour déplacer un détenu d'un établissement à un autre."

Mais avec 100 détenus à replacer dans diverses prisons françaises en un mois, l'administration pénitentiaire fait face, selon lui, à un défi de taille: "Les autres établissements ne voient pas d'un bon œil leur arrivée parce que cela réduit justement cette marge de manœuvre."

Incertitudes sur les conditions de détention

Autre incertitude quant à ces transfèrements: Wilfried Fonck redoute aussi les réactions des détenus transférés. "En général, ces détenus ont leur famille à proximité. Là, ils vont se retrouver plus éloignés, et organiser des parloirs est plus compliqué."

En plus d'être coupés de leur environnement familial, c'est tout un ensemble de repères qui va être à réinventer pour les détenus transférés, détaille de son côté Odile Macchi, responsable du pôle enquêtes à l'Observatoire international des prisons (OIP), contactée par BFMTV.com. "Cela va couper la personne de ce qu'elle avait construit, de son travail (si elle travaillait en détention, NDLR), de ses activités, des liens qu'elle avait tissés. Tout est à recommencer."

"Comment ces détenus vont réagir, s'adapter à leur nouvelle structure? Est-ce qu'ils vont se fondre dans la masse ou est-ce qu'il y aura des tensions avec leurs nouveaux codétenus? On n'est jamais à l'abri de ça", interroge encore Wilfried Fonck, de l'UFAP-UNSA Justice.

Un manque criant de personnel

À Vendin-le-Vieil, il n'est pas évident d'annoncer aux personnes concernées leurs nouvelles affectations, témoigne David Lacroix, secrétaire FO. "Certains redoutent leurs nouvelles conditions de détention", alors que la prison de Vendin-le-Vieil est un établissement plutôt moderne et propre.

"C'est une campagne de transfert intense. La préparation de ces transferts n'est pas facile et se fait à marche forcée. On doit s'adapter rapidement", raconte-t-il encore auprès de BFMTV.com.

Dans ce contexte, le manque de personnel se fait ressentir encore plus intensément. "Aux nombreux postes non pourvus s'ajoute un absentéisme important", précise Odile Macchi de l'OIP. Damien Tripenne, lui, évoque un "personnel en souffrance" et un recrutement "difficile". "On ne devient pas agent pénitentiaire par vocation", explique-t-il, appelant à une revalorisation des salaires pour travailler sur l'attractivité du secteur.

La future prison de haute sécurité de Vendin-le-Vieil devrait être en mesure d'accueillir 200 narcotrafiquants à compter du 31 juillet. À Condé-sur-Sarthe, établissement qui doit connaître le même sort, les travaux devraient débuter un peu plus tard dans l'année, avec une ouverture prévue en octobre.

Elisa Fernandez