Mort de Thomas à Crépol: suspects, ADN, arme du crime... Où en est l'enquête un an après le drame?

Il y a un an, le 19 novembre 2023, Thomas, 16 ans, était tué d'un coup de couteau lors d'un bal au village de Crépol, dans la Drôme. Avec déjà plus de 350 auditions, quatorze hommes mis en examen, environ 450 témoins présents à la soirée et autant de victimes potentielles, des expertises ADN, exploitation de vidéos de portables... L'enquête est longue et se poursuit.
D'après les informations de BFMTV, il est toujours impossible pour la justice de dire avec certitude qui a donné le coup de couteau mortel.
"Le gros travail qu'il reste à faire c'est de déterminer l'implication de chacun, c'est un travail de longue haleine", explique Me Bilel Hakkar, qui défend deux personnes mises en examen.
Neuf personnes en détention provisoire
Quatorze jeunes hommes sont mis en examen pour homicide et tentatives d'homicides volontaires commis en bande organisée. Ils sont tous jeunes majeurs, entre 18 et 22 ans. Ils risquent la réclusion criminelle à perpétuité. Parmi eux, neuf sont en détention provisoire aujourd'hui, cinq sont libres sous contrôle judiciaire.
Ils avaient été interpellés lors de deux vagues d'interpellations. Une première deux jours après les faits le 21 novembre 2023, où sept personnes ont été interpellées à Toulouse alors qu'ils essayaient de fuir (un fut relâché ensuite car il n'avait pas participé à la soirée) et deux autres à Romans-sur-Isère.
Une deuxième, le 11 mars 2024 où onze personnes ont été arrêtés, également à Romans sur Isère et sa région. Cinq ont été mis en examen alors que les autres ont été relâchés sans poursuites.
Des témoignages qui divergent et se contredisent
D'après nos informations, un an après le drame, l'auteur du coup de couteau mortel sur Thomas n'a toujours pas été formellement identifié par la justice. Tout comme le ou les auteurs des autres coups de couteaux qui ont blessé quatre autres personnes dont le vigile du bal.
D'ailleurs, un récent rapport d'expertise médical que BFMTV a pu consulter n'a pas réussi à déterminer si les blessures sur Thomas et ces quatre autres victimes ont été effectuées par une seule ou plusieurs armes. Ce qui aurait pu indiquer s'il y avait un ou plusieurs auteurs de coups de couteaux.
Cette enquête est exceptionnelle par son ampleur: d'après nos informations, le dossier d'instruction est déjà garni de plus de 350 auditions. Le bal de Crépol accueillait environ 450 participants, d'après les gendarmes qui sont intervenus sur place, donc autant de témoins voire de victimes potentielles.
Ce sont aussi autant de personnes qui ont fait le récit de ce qu'ils ont vu, à une heure tardive, parfois alcoolisés. Des témoignages divergent donc ou manquent de précision.
En outre, la scène de crime, elle, a été "particulièrement dégradée du fait du nombre important de personnes ayant piétiné le sol", comme l’ont écrit dans leurs constatations les gendarmes. Il n'y a pas non plus de caméra de vidéosurveillance dans ou devant la salle des fêtes.
Une longue enquête
Des "parades d'identifications", ou "tapissages", ont été réalisées (à savoir des actes par lesquels on présente plusieurs personnes devant un témoin pour voir s'il reconnaît le suspect): mais elles n'ont pas été concluantes.
Faute de vidéosurveillance directe, deux vidéos filmées par des téléphones portables ont été examinées par les enquêteurs. Une à l'intérieur de la salle et l'autre, de 35 secondes, à l'extérieur. Dans cette dernière, on voit des personnes se faire face, puis ce qui semble être les premiers coups de couteau. D'après nos informations, ces vidéos ont été expertisées, pour améliorer la qualité et permettre aux enquêteurs de mieux reconnaître les agresseurs.
Des examens médico-légaux, des prélèvements ADN et papillaires (empreintes) ont également été réalisés. Les voitures utilisées par les suspects pour fuir sont l'objet en ce moment d'une expertise scientifique, afin de voir si un élément à l'intérieur pourrait être déterminant voir désigner plus précisément les coupables.
Mais au-delà même de pouvoir déterminer qui a donné des coups de couteaux, il faudrait déjà avoir l'arme ou les armes du crime. En effet, d'après nos informations, les seules armes blanches retrouvées à ce jour sont celles qui avaient été confisquées par le videur avant les affrontements et donc pas celle ou celles utilisées pour tuer Thomas et blesser les autres. Ces dernières n'ont jamais été retrouvées.
Même avec ces difficultés l’enquête "avance et avance bien" assure Me Guillaume Fort dont le cabinet défend plusieurs accusés. "On se rapproche de la vérité (...), mes clients attendent qu'on tire les conséquences des éléments glanés pendant l'enquête" dit celui qui souhaite que certains des suspects puissent être mis hors de cause dans les coups de couteaux. Car s'ils sont quatorze mis en examen, dont neuf en détention provisoire, à la fin ils ne seront peut-être pas tous impliqués dans l'homicide et les tentatives d'homicide.
Une nouvelle vague d'auditions prévue
Dans une instruction criminelle comme celle-ci, on peut s'attendre un jour à des confrontations ou bien à une reconstitution. On voit cependant assez vite le problème logistique que cela peut poser. Pour les confrontations: comment confronter plusieurs centaines de témoins, victimes avec quatorze mis en examen? Faudra-t-il entendre toutes les versions?
Pour la reconstitution, le même problème se pose. Habituellement, quand la justice organise la reconstitution d'un crime, elle remet en situation les protagonistes autant de fois qu'il y a de versions différentes. Ici, comment faire alors qu'on sait que les quatorze accusés et centaines de témoins ne s'accordent pas tous? Cela pourrait prendre un temps considérable.
Ce qui est sûr c'est que l'instruction continue. D'ailleurs, une nouvelle vague d'auditions est prévue. "Mon client doit être interrogé de nouveau cette semaine (du 18 au 22 novembre, NDLR)" nous confie maître Romaric Chateau qui défend l'un des suspects qui est également en détention provisoire. D'autres avocats de mis en examen ont aussi confirmé à BFMTV que leurs clients vont être auditionnés dans les jours qui suivent cette date anniversaire.
Des auditions qui pourraient être déterminantes? Ce serait le cas si un des accusés désignait le ou les auteurs des coups de couteaux mais cela ne semble pas, depuis un an, être leur état d’esprit.
"Le temps judiciaire est différent du temps médiatique (...). Un an, ce n'est pas tellement étonnant pour un dossier de cette nature-là", explique Me Bilel Hakkar. De son côté, Me Alexandre Farelly, l'avocat de la famille de Thomas déclare à BFMTV que "cette temporalité-là, quand vous étiez proche de Thomas, elle n'entre pas dans l'équation". "C'est un an pour la procédure judiciaire qu'on est en capacité de comprendre car c'est une affaire complexe", explique-t-il.