Mis en cause dans la presse, le garde des Sceaux de Monaco prend sa retraite anticipée

Philippe Narmino, à droite, en compagnie du Prince Albert II et de la princesse Charlène de Monaco, le 17 novembre 2011. - Valéry Hache - AFP
Le garde des Sceaux de Monaco, Philippe Narmino, a annoncé ce jeudi son départ en retraite anticipée, après plusieurs articles de presse l’accusant de relations troubles avec le président de l’AS Monaco Dmitri Rybolovlev, le milliardaire russe lui-même au cœur d’une bataille judiciaire avec un marchand d’art.
"Les mises en cause personnelles dont je fais l'objet et les attaques répétées subies par l'institution judiciaire ne me permettent plus d'en assurer convenablement la charge", a ainsi annoncé Philippe Carmino dans un communiqué, quelques heures après la publication d’une enquête du Monde.
"Ma décision de retrait est avant tout commandée par l'intérêt supérieur de la justice monégasque qui doit pouvoir continuer à s'accomplir avec la sérénité requise", a-t-il précisé. De son côté, le prince Albert a accepté sa demande, tout en précisant qu’il "réaffirm(ait) sa confiance dans les institutions judiciaires" et que cette décision "honorait ce haut serviteur de l'Etat et marqu(ait) son attachement à la prééminence de l'intérêt général".
Un procès pour surfacturation d'œuvres d'art
Aux racines de cet imbroglio judiciaire, les relations que l’avocate de Dmitri Rybolovlev, Tetiana Bersheda, aurait entretenues avec deux responsables de la police judiciaire monégasque, comme tendent à confirmer des SMS déjà publiés par Mediapart en août et par Libération début septembre.
Début 2015, Dmitri Rybolovlev poursuit Yves Bouvier en justice, l’accusant de lui avoir surfacturé des œuvres d’art qu’il lui achetait depuis des années et soutiré ainsi un milliard d’euros de commissions. Inculpé en février de la même année par la justice monégasque pour "escroquerie et complicité de blanchiment", Yves Bouvier est interpellé dès qu’il pose le pied à Monaco, alors qu’il se rend à l’appartement de Rybolovlev.
"Bonsoir, il viendra le 25 au matin. C’est sûr. Il faudrait rester avec le plan A. Rappelez-moi quand vous pouvez", aurait ainsi envoyé l’avocate à Christophe Haget, commissaire de la police judiciaire, selon des SMS récupérés par le juge chargé d’instruire l’affaire Rybolovlev-Bouvier.
Un séjour dans le châlet suisse de Rybolovlev
Le directeur de la Sûreté publique de la principauté, Régis Asso, serait également impliqué dans l’affaire, avec force invitations, cadeaux et dîners de la part du milliardaire russe. Il n’est toutefois pas partie prenante dans l’affaire qui l’oppose à Yves Bouvier.
Ce n’est pas le cas de Philippe Narmino, qui, comme l’évoquait déjà le quotidien suisse Le Temps en avril 2015, a séjourné quelques semaines avant l’arrestation d’Yves Bouvier à Gstaad, en Suisse, dans le chalet de Rybolovlev.
S’ensuivent des envois de remerciements et de fleurs entre l’avocate et l’épouse du garde des Sceaux, dans les temps de l’arrestation du marchand d’art à Monaco.
Pourtant, en novembre 2015 et avril 2016, la cour d’appel et l’équivalent de la cour de Cassation avaient rejeté les recours de l’avocat d’Yves Bouvier, au motif d’une "collusion alléguée, mais non établie, entre la partie civile et la police".
Si la collusion est avérée, la justice suisse pourrait se retrouver mêlée à l’histoire, soulève Libération. En effet, selon son code pénal, "celui qui, en usant de violence, ruse ou menace, aura entraîné une personne à l'étranger pour la livrer à une autorité, à un parti ou à une autre organisation de l'étranger, (...) sera puni d'une peine privative de liberté d'un an au moins."