Meurtre dans une mosquée: émotion à Paris et dans le Gard lors de rassemblements en hommage à Aboubakar Cissé

Un manifestant lors d'un rassemblement en hommage à Aboubakar, le fidèle tué dans une mosquée de La Grand-Combe, et contre l'islamophobie, place de la République à Paris, le 27 avril 2025. - ALAIN JOCARD / AFP
Un rassemblement contre l'islamophobie a réuni plusieurs centaines de personnes dimanche à Paris, dont Jean-Luc Mélenchon qui a accusé Bruno Retailleau de cultiver un "climat islamophobe" après le meurtre d'un fidèle vendredi dans une mosquée du Gard, a constaté l'AFP.
Une minute de silence a été respectée en mémoire d'Aboubakar Cissé, le jeune Malien âgé d'une vingtaine d'années, tué vendredi de plusieurs coups de couteau dans la mosquée de la petite commune gardoise de La Grand-Combe.
"Nous sommes venus en soutien à Aboubakar. Derrière sa mort, c'est l'islamophobie qui se banalise en France", a déclaré à l'AFP Mariame, une trentenaire parisienne venue place de la République.
"L'islamophobie est normalisée. Au bout d'une heure de télé, on entend parler de musulmans. C'est de plus en plus tendu. On suffoque, c'est banalisé d'être raciste", a-t-elle complété. "On a l'impression que les vies n'ont pas la même valeur, ce meurtre en est la preuve", a ajouté Kamel qui accompagne la jeune femme.
"C'était quelqu'un de bien"
Après s'être exprimé au micro des organisateurs, Yoro Cissé présenté comme le cousin de la victime d'Alès, a déclaré à l'AFP: "Ca m'a vraiment choqué, fait mal au cœur, mais voir tout ce soutien me soulage."
"C'est avant tout un acte de barbarie. Je n'aime pas ce mot racisme", a-t-il poursuivi, affirmant ne pas avoir vu son frère depuis un an. Il "était très attaché à la mosquée. C'était quelqu'un de bien qui aime tout le monde et de très respecté", a-t-il complété.
Si la piste d'un acte islamophobe est celle sur laquelle les 70 enquêteurs "travaillent en priorité, (...) ce n'est pas la seule", a insisté dimanche le procureur d'Alès, Abdelkrim Grini, évoquant "certains éléments (qui) pourraient laisser penser que ce mobile n'était peut-être pas le mobile premier (...) ou le seul mobile".
Mélenchon cible Retailleau
Plusieurs personnalités politiques comme le leader de LFI Jean-Luc Mélenchon ou la patronne des Verts Marine Tondelier ont participé à la manifestation à Paris dont l'appel a été relayé notamment par des partis de gauche sur les réseaux sociaux.
"Une ambiance, un climat islamophobe a été entretenu, cultivé, et des mois durant, et chacun jusqu'aux plus officiels, s'est senti autorisé à faire des déclarations dont sans doute, ils ne mesuraient pas toute la portée et toute la violence pour ceux qui avaient à la subir", a déclaré Jean-Luc Mélenchon à la presse, visant le ministre Bruno Retailleau.
"Quand le ministre de l'Intérieur, dans une réunion (le 27 mars, lors d'un meeting contre l'islamisme), dit 'à bas le voile', imagine-t-on que quelqu'un ait crié à bas les crucifix ?", s'est-il interrogé. "Lorsque on entretient une telle ambiance, on ne doit pas s'attendre à autre chose que les esprits les plus dérangés y trouvent une justification pour leurs actes", a-t-il complété.
Interrogé au même moment sur BFMTV, Bruno Retailleau a exclu de participer à ce rassemblement place de la République, jugeant que les Insoumis "instrumentalisent ce crime".
Jean-Luc Mélenchon s'est également montré très ému face au témoignage d'une femme qui l'a interpellé lors du rassemblement. "On ne se sent plus en sécurité nous, les musulmans. On sort la boule au ventre. On ne se sent plus du tout en sécurité, il y a une ligne rouge qui a été franchie", a-t-elle déclaré, avant de fondre en larmes devant le leader insoumis, selon des images de l'agence CLPress.
Marche blanche
Dans la commune de La Grand-Combe encore traumatisée, une marche blanche en souvenir d'Aboubakar Cissé a eu lieu dans l'après-midi. Elle a rassemblé plus d'un millier de personnes entre la mosquée Khadidja, où s'est déroulé le drame, et la mairie de cette petite commune de moins de 5.000 habitants au nord d'Alès.
Parmi eux, Abdallah Zekri, recteur de la mosquée de la Paix à Nîmes, ne cachait pas son "sentiment de colère et de haine à l'égard de ceux qui ont commis ce crime" et dénonçant un climat islamophobe.
"Du matin au soir, vous allumez la télévision, qu'est-ce que vous entendez, l'islam, les musulmans, les migrants, les OQTF, il n'y a que ça", a-t-il accusé, regrettant l'absence à leurs côtés du ministre de l'Intérieur et du préfet.
En marge de la marche blanche, le président de la mosquée de La Grand-Combe, Salim Touazi, a également décrit le "choc" de la commune après ce meurtre. Le suspect "est venu exprès pour tuer un musulman", a-t-il estimé. "On ne dirait pas un être humain, c'est un monstre", a-t-il ajouté. Le suspect était toujours en fuite ce dimanche soir.