Marseille: des trafiquants "plus jeunes" et toujours plus violents

Dans la nuit de samedi à dimanche, une fusillade sans doute liée au trafic de drogue, a fait trois morts, dont deux mineurs de 14 et 15 ans, dans la cage d'escalier d'un immeuble des quartiers nord de Marseille. Alors que Manuel Valls rappelle lundi matin aux Mureaux, où se tient un comité interministériel, que "les quartiers ne doivent pas être exclus de la République", ce probable règlement de comptes tombe mal.
Le trafic de drogues pour seul horizon?
Ce qui frappe également, et surtout, c'est la jeunesse symptomatique des victimes, alors que les mineurs sont désormais de plus en plus exposés. Et en première ligne.
"Dès 10-11 ans vous savez ce qu'est la came, que c'est avec ça qu'on gagne sa vie, qu'on peut s'acheter une belle voiture. Vous savez que la seule façon de se faire un peu d'argent, c'est de participer au trafic de drogue", analyse Jean-Michel Verne, journaliste spécialisé dans le grand banditisme.
Neuf règlements de compte depuis 2015
D'après les chiffes fournis par le préfet de police des Bouches-du-Rhône, il y a eu depuis début 2015 à Marseille "9 faits de règlements de compte contre 14 en 2014" avec un nombre stable de décès. Par ailleurs, dix gros réseaux ont été démantelés, dont celui de la cité des Lauriers.
Ainsi, 1,5 tonne de cannabis a été saisie dans les cités des quartiers nord et six tonnes à Vitrolles, à une vingtaine de kilomètres à l'ouest de la cité phocéenne.
Pour le criminologue Stéphane Quéré, ce qui ressemble à une exécution en règle illustre la lutte pour le "contrôle du territoire".
"Le travail engagé par les forces de l'ordre provoque des tensions entre groupes rivaux qui, avant, se côtoyaient. Il y a des coups de fièvre parce que le marché se tend. L'action policière, avec les saisies, en est l'une des causes. Les forces de l'ordre ont engagé un travail à long terme, avec le renseignement criminel qui permet d'identifier qui fait quoi dans les cités", explique-t-il.
Les jeunes prennent la relève après les arrestations
Pour légitime et nécessaire qu'elle soit, la lutte contre les trafics induit que d'autres prennent le relais de ceux qui ont été arrêtés.
"C'est le fait de neutraliser des réseaux qui fait venir les plus jeunes. Ceux qui tenaient le haut de l'immeuble se sont fait arrêter. Le vide est comblé par les petits frères, les petits cousins qui habitent là-bas", détaille Frédéric Ploquin, un autre journaliste d'investigation expert de cette question.
Le phénomène ne date pas d'hier. En 2010 déjà, un enfant de 11 ans avait été la cible d'un règlement de comptes. Des enfants qui, en reprenant le trafic en main, ne vont plus à l'école. Samia Ghali, sénatrice socialiste des Bouches-du-Rhône qui s'était illustrée en demandant en août 2012, que "l'armée intervienne" dans les quartiers sensibles de Marseille, met aujourd'hui en avant le rôle des "pères".
L'absence de "pères" pointée du doigt
"Dans 80% des cas des jeunes qui sont décédés, les mamans sont seules à élever ces jeunes. Je demande à la ministre de la Justice de revérifier, de re-regarder comment les pères doivent être aussi impliqués (dans l'éducation des enfants) comme le permet le Code civil français", s'insurge l'élue.
Sans doute la sénatrice faisait-elle référence à l'article 373-2 du Code civil qui dispose que "la séparation des parents est sans incidence sur les règles de dévolution de l'autorité parentale". Autrement formulé, à partir du moment où le père a reconnu l'enfant, il ne saurait se dispenser de l'élever, même s'il ne vit pas avec la mère.