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Police-Justice

Marseille: dans les quartiers Nord, des habitants à bout

Enquêteurs dans le quartier de la Busserine, à Marseille, jeudi 24 avril.

Enquêteurs dans le quartier de la Busserine, à Marseille, jeudi 24 avril. - -

Kenza a perdu son frère il y a 25 ans et, récemment, son fils s'est à son tour fait tirer dessus. Difficile pour cette femme de voir une quelconque amélioration dans les chiffres de la violence à Marseille, où un nouveau règlement de compte a eu lieu en début de semaine.

Kenza est à bout. Il y a 25 ans, cette habitante des quartiers Nord de Marseille a perdu son frère qui tentait de s'interposer dans une bagarre. En juin dernier, c'est son fils qui s'est fait tirer dessus. Des balles de chevrotine dans les jambes pour un mot déplacé.

Depuis, par peur, elle se voit contrainte d'"enfermer ses enfants". "Je prie pour les protéger, mais en fait je ne les protège pas, je les enferme", regrette-t-elle, des larmes dans la voix. "Je me sens en prison."

La violence dans son quartier, en trois décennies, elle ne l'a "pas vu s'arrêter". Les chiffres ne vont pas lui donner tort. La cité phocéenne a connu, dans la nuit de lundi à mardi, son septième règlement de compte: un homme de 31 ans, criblé de balles dans un hall d'immeuble de la cité de la Savine.

"Ils ont douze, quatorze, quinze ans"

Et jeudi dernier, à la veille de la première visite du nouveau ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve, un jeune homme de 25 ans a été tué dans une autre cité des quartiers Nord, la Busserine, alors qu'il s'apprêtait à prendre le volant de sa voiture.

Malgré ces homicides, Bernard Cazeneuve a fait valoir vendredi de "bons résultats" sur les deux zones de sécurité prioritaire de Marseille. Il a notamment cité une baisse de 14% du nombre des attaques aux personnes depuis le début de l'année, le "démantèlement des réseaux" et une forte hausse des saisies d'armes.

Mais sur le terrain, la baisse des chiffres ne se fait pas vraiment ressentir. Pour Kenza, à l'inverse, c'est "de pire en pire". Elle note aussi que la moyenne d'âge de ceux qui sèment la terreur a baissé. "Ils ont douze ans, quatorze ans, quinze ans, c'est eux qui font la loi. Ce n'est pas acceptable! On n'a même plus le droit d'acheter le pain car ils nous jettent des bouteilles", déplore-t-elle.

"La justice banalise"

Me Victor Gioia, avocat pénaliste à Marseille, connaît bien les dossiers de violence dans sa ville. Et comme Kenza, il dépeint dans certains quartiers de Marseille une société "folle", "désorganisée", avec "des justiciables livrés à eux-mêmes".

L'avocat en veut à la justice, qui selon lui "banalise" les faits. Il prend l'exemple d'un dossier qu'il a suivi, celui d'un "garçon qui s'est pris quatorze coups de couteaux, égorgé des deux cotés de la carotide et qui n'a survécu que par sa force". Pour celui-ci, tempête-t-il, "des juges étaient venus, avec un aplomb extraordinaire, expliquer que c'est un délit et pas une tentative d'assassinat!"

M. T. avec Igor Sahiri