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Police-Justice

Marseille : « Au lieu de nous protéger, les policiers nous tirent dessus »

Le policier pourrait être mis en examen ce vendredi

Le policier pourrait être mis en examen ce vendredi - -

Info RMC : Le frère aîné du jeune homme tué par un policier à Marseille cite un témoignage direct pour affirmer que le fonctionnaire était ivre et a tiré «dans le dos». Le suspect affirme avoir été sobre, et que le coup est parti tout seul.

C’est une exclusivité RMC. Citant un ami présent sur les lieux du drame, Karim, le frère de la victime tuée par un policier dans la nuit de mercredi à jeudi dans une épicerie des quartiers nord de Marseille, évoque un policier sous l’emprise de l’alcool qui aurait visé son cadet alors que celui-ci se dirigeait vers sa voiture.

« Ce sont des hommes, pas des merdes ! »

Hanifa, tante de la victime et travailleuse sociale, est submergée par la colère. Elle évoquait jeudi un « assassinat ». « Quand on a 19 ans on fait des conneries. On doit leur mettre une balle dans la tête ? Ce sont des hommes, pas des bêtes, pas des merdes. C’est pire que ce soit un policier, ils sont là pour nous protéger. Au lieu de ça, ils nous tirent dessus. Il n’était pas en service et pourtant armé. Ça s’appelle comment ? Une erreur ? Il a commis un crime. Quand on tire dans le dos, ça s’appelle un assassinat ».
Lionel Dian, correspondant de RMC à Marseille, a pu s’entretenir avec Karim, 24 ans. Ce dernier « appelle au calme et demande que justice soit faite ». Il a pu communiquer avec le garçon qui accompagnait son frère dans l’épicerie : « mon frère était parti faire des courses dans une épicerie de nuit. Il est tombé sur le policier qui lui a dit de ne pas fumer à l’intérieur, et mon frère a refusé. Puis ils se sont disputés, mon petit frère est reparti tranquillement vers sa voiture, il a entendu une détonation et a senti une brûlure au niveau de la fesse au moment où il partait. Il a perdu connaissance dans la voiture ». Karim a ajouté qu’il « calmait » actuellement les jeunes du quartier : « ils veulent faire n’importe quoi, ça ne fera que salir sa mémoire ». Emmené immédiatement à l'hôpital en voiture par ses amis, le jeune homme, atteint à l'artère fémorale, est mort quelques heures plus tard.

« Il a peut-être eu peur de laisser son arme à son domicile »

Toujours placé en garde à vue ce vendredi matin, le gardien de la paix oppose quant à lui une autre version. Selon lui, alors qu'il se trouvait dans le magasin, trois jeunes, dont un fumant de la résine de cannabis, sont arrivés. Le policier a fait une réflexion qui a entraîné une rixe. Frappé par les trois jeunes qui, selon lui, auraient remarqué son pantalon de policier, l'homme a alors sorti son arme. « Dans des circonstances qu'il conviendra d'éclaircir », explique la police dans un communiqué, un coup serait parti, touchant l'un des jeunes à la cuisse. Selon le policier, le coup serait parti tout seul alors qu’il s’était retrouvé à terre. Il serait ensuite rentré chez lui, sans savoir qu’il avait touché l’un des deux jeunes hommes et il aurait consommé de l’alcool pour se remettre, ce qui expliquerait son taux d’alcoolémie à 1,28 gramme mesuré deux heures après les faits lors de son interpellation à son domicile.
Alphonse Giovanini, délégué SGP Police dans les Bouches-du-Rhône, défend son collègue en invoquant un risque de cambriolage : « un fonctionnaire de police, qu’il soit en service ou pas, en cas de crime ou de délit, il se doit d’intervenir. C’est la déontologie. Concernant les circonstances, l’enquête devra déterminer s’il avait le droit ou non de porter son arme. Il était peut-être seul à domicile et avait peut-être peur de le laisser pour quelques secondes donc il est descendu avec. Des réactions en chaîne se sont produites qu’il n’avait pas prévu. J’ai des fonctionnaires de police qui ont été cambriolés, on leur a volé leur arme ».

« Le petit verre qu’on prenait devient de plus en plus conséquent »

Cette affaire pose la question de l’alcool au sein de la police nationale. RMC a pu recueillir le témoignage de Laurent, 65 ans, qui vit dans le Finistère. Aujourd'hui à la retraite, il a passé 35 ans au sein de la gendarmerie mobile. Il évoque le stress de la profession qui l’a rendu alcoolique ainsi que plusieurs de ses collègues : « la dangerosité du travail fait qu’on se donne un peu de courage, en pensant qu’on sera plus costaud. Le petit verre qu’on prenait devient de plus en plus conséquent. Au bout d’un moment, on boit excessivement, jusqu’à une quinzaine de bières par jour. Cette habitude évolue vers la maladie ».
Le policier pourrait être mis en examen dans après-midi ou dans la soirée. La victime était connue des services de police pour des faits de vol, dégradation et outrages. « Il n'y a pas de place pour de tels comportements dans la police de notre pays », a réagi le ministre de l'Intérieur Manuel Valls au micro de BFMTV, ajoutant que « s'il y a eu faute (...), il faudra que la justice passe ».
Selon l'agence AEF Sécurité, le ministère de l'Intérieur compte renforcer la lutte contre la consommation d'alcool et de stupéfiants chez les policiers. Un projet d'arrêté prévoit d'instaurer un seuil maximal de 0,10 mg d'alcool par litre d'air expiré pour les fonctionnaires pendant leur service.

C.B avec L. Dian et B. Smadja