"Ma vie a basculé dans le néant": Gisèle Pelicot s'adresse à son mari au procès des viols de Mazan

"Je pensais finir mes jours avec ce monsieur. Aujourd'hui ma vie a basculé dans le néant." Alors que le procès des viols de Mazan arrive à mi-parcours, Gisèle Pelicot a été de nouveau auditionnée par la cour criminelle départementale du Vaucluse ce mercredi 23 octobre, huit semaines après sa première prise de parole.
À la barre, Gisèle Pelicot dans sa robe noire s'est adressée pour la première fois directement à son ancien mari, accusé de l'avoir drogué de 2011 à 2020 afin de la violer et de la faire violer par des dizaines d'hommes recrutés sur internet, en lui disant "tu".
"J'aimerais m'adresser à monsieur Pelicot. Je ne peux pas le regarder, car la charge émotionnelle est encore là. Je vais l'appeler Dominique aujourd'hui", a déclaré Gisèle Pelicot.
"Nous avons eu 50 ans de vie commune, trois enfants, sept petits enfants. Tu as été un père attentionné, présent à l’écoute. Un homme bienveillant, de toute confiance", a poursuivi la septuagénaire, évoquant les souvenirs d'un couple ordinaire. "On a partagé nos rires et nos peines. On a partagé nos moments difficiles, nos vacances, nos anniversaires, nos Noël."
"Comment tu as pu me trahir à ce point?"
Mais aujourd'hui, Gisèle Pelicot a listé ces questions qui tournent en boucle. "Pendant 4 ans, je me suis préparée à ce procès et je n'arrive toujours pas à comprendre pourquoi? Comment ma vie a basculé? Comment il en est arrivé là?"
Des questions qu'elle a posé directement à son ancien mari et principal accusé dans l'affaire. "Comment tu as pu me trahir à ce point? Faire rentrer ces inconnus dans notre chambre à coucher? Pour moi cette trahison est incommensurable", a poursuivi Gisèle Pelicot. "J'ai toujours tenté de t'entraîner vers la lumière, vers le haut, toi tu as choisi les bas-fonds de l'âme humaine.
Au fil des audiences, Gisèle Pelicot a vu, "a entendu ces femmes, mamans, ses soeurs qui disent que leurs proches, les accusés, sont des hommes exceptionnels... Moi aussi, j'avais le même à la maison." "Le violeur peut être aussi dans la famille, les amis", a alerté la septuagénaire. "Ils sont insoupçonnables."
"Madame Pelicot l'a fait, on peut le faire"
À la barre, Gisèle Pelicot ne s'est pas oubliée. Elle s'est confiée. "Je suis une femme totalement détruite et je ne sais pas comment je vais me relever de tout ça", a-t-elle expliqué. "J'ai déjà 72 ans et je ne sais pas si j'y arriverai dans les années qu'il me reste."
Au cours de sa prise de parole, la septuagénaire s'est adressée aux autres Gisèle. "Je veux que ces femmes victimes de soumission chimique n'aient plus honte. Qu'elles se disent 'madame Pelicot l'a fait, on peut le faire aujourd'hui'".
Devenue dans le cadre du procès des viols de Mazan une figure de la lutte contre la soumission chimique, Gisèle Pelicot a exprimé à la barre "une volonté et une détermination pour qu'on change cette société".
À sa sortie, la septuagénaire a été longuement applaudie. Son ancien professeur de théâtre, une activité qu'elle a pratiquée en région parisienne en 2010, est venue lui apporté des fleurs.
Dominique Pelicot, 71 ans, a reconnu avoir drogué son épouse Gisèle de 2011 à 2020, à son insu, afin de la violer et de la faire violer par des dizaines d'hommes recrutés sur internet.
Les 50 hommes jugés avec lui, la plupart pour viols aggravés, et qui risquent comme lui jusqu'à 20 ans de prison, affirment avoir cru participer au fantasme d'un couple échangiste ou ne pas s'être rendu compte de l'état d'inconscience de Gisèle Pelicot. Le verdict du procès, au retentissement international, est attendu vers le 20 décembre.