Lutte contre le narcotrafic: quel est ce régime de détention italien dont veut s'inspirer Darmanin?

S'inspirer de la lutte antimafia contre les narcotrafiquants. Le ministre français de la Justice, Gérald Darmanin, est à Rome ce lundi 3 février pour une visite d'étude du régime carcéral italien réservé aux détenus les plus dangereux.
Au programme de l'ancien patron de Beauvau, une visite du Centre pénitentiaire romain de Rebibbia, où une cinquantaine de détenus appartenant au crime organisé sont soumis à un régime d'isolement et de surveillance particulièrement draconien.
"Prison dure"
Gérald Darmanin, qui entend rassembler les "cent plus gros narcotrafiquants" de France dans "une prison de haute sécurité", souhaite empêcher ces détenus à la tête de réseaux criminels de poursuivre leurs activités depuis leur cellule. Il pourrait, pour ce faire, s'inspirer de la législation italienne, et en particulier d'un régime de détention connu sous le nom d'article 41-bis.
Introduit dans la loi en 1986, cet article crée un régime de "prison dure" (carcero duro) pour faire face aux situations d'urgence dans les prisons, comme en cas de mutinerie. En 1992, il est étendu pour être appliqué aux grands chefs de la mafia et du crime organisé, explique la chaîne d'information italienne Sky TG24.
C'est l'assassinat en 1992 des juges Giovanni Falcone et Paolo Borsellino, commandité par des chefs mafieux depuis leur cellule, qui a servi de déclencheur à l'extension de ce régime de détention. Prévu comme temporaire, il s'ancre dans la loi en 2002, et s'étend aux détenus condamnés ou attente de jugement pour terrorisme ou d'autres crimes graves.
Dans les faits, 90% des détenus soumis au carcero duro sont des membres de la mafia, selon un rapport parlementaire cité par Sky TG24.
Isolement total pour le prisonnier
L'article 41-bis, qui suspend de fait les conditions habituelles de détention, est devenu une arme essentielle de l'arsenal de l'État contre le crime organisé.
Ce régime de détention prévoit l'isolement total pour le prisonnier, sauf deux heures à l'air libre dans un groupe ne pouvant pas dépasser quatre détenus soigneusement choisis pour éviter plusieurs risques: d'un côté celui de la connivence avec d'autres personnes appartenant au même groupe criminel, de l'autre d'éventuels conflits avec un groupe criminel opposé.
Ils ont en outre droit à un seul entretien par mois avec des membres de leur famille, derrière une paroi de verre, et cet entretien est enregistré par les autorités carcérales. Les détenus n'ont droit à aucun contact physique avec leurs proches, sauf avec leurs enfants mineurs.
Ceux qui ne profitent pas de ce droit ont, après au moins six mois de détention, le droit à un appel téléphonique par mois, d'une durée de dix minutes maximum, avec des membres de leur famille, le tout également enregistré.
Des limites sont également introduites concernant les sommes d'argent et autres biens que ces détenus peuvent recevoir.
Changements réguliers de gardes
Les détenus soumis au carcero duro occupent des sections dédiées des prisons italiennes et sont surveillés par des gardes appartenant à un groupe spécial de la police pénitentiaire. Ces gardes changent de prison tous les six mois pour éviter des contacts prolongés avec des détenus dangereux.
L'objectif de ce système est double: couper la communication des prisonniers avec l'extérieur, empêchant ainsi les mafieux de diriger leurs organisations depuis la prison, et les convaincre, en raison des conditions pénibles, de devenir des collaborateurs de justice ("repentis").
Le régime de "prison dure" est applicable quatre ans, puis renouvelable tous les deux ans sans limite de durée.
Selon des chiffres de février 2024, 725 détenus étaient soumis à ce régime carcéral, dont quatre terroristes, les autres appartenant aux principaux groupes mafieux et groupes criminels organisés de la péninsule.
Dans un récent rapport, l'ONG Antigone, qui s'occupe des conditions des détenus en Italie, a dénoncé "certaines restrictions dont l'objectif semble être de harceler davantage plutôt que de garantir la sécurité: par exemple la taille des casseroles autorisées ou le nombre et la taille des photos et livres pouvant être gardés dans la cellule".