Les policiers en charge de la sécurité des personnalités à la tête d'une caisse noire

La "motte" est répartie entre les 70 agents de la divisions des missions temporaires. - François Guillot - AFP
Le coffre-fort est bien rempli depuis près de 20 ans. Les policiers de la sous-direction de la protection des personnes, l'ancien SPHP (service de protection des hautes personnalités), disposerait d'une cagnotte secrète, à en croire Le Parisien. Dans une enquête parue aujourd'hui, le quotidien révèle l'existence de ce que les principaux concernés appellent "la motte", cette caisse noire que se répartissent les agents entre eux.
Au moins depuis 1995, les superflics en charge de la protection des VIP ou des délégations étrangères en visite en France sont à la tête d'un petit magot constitué de dons en liquide ou de cadeaux en nature distribués par les personnalités dont ils ont la charge. A la fin de chaque mission, les agents rassemblent leurs "primes" dans le coffre-fort du service avant que l'ensemble soit réparti entre eux. "Tout cela est très codifié", admet un fonctionnaire interrogé par Le Parisien, expliquant que la formule avait changé pour éviter les tensions.
400 euros par mois en moyenne
Car qui dit "motte" dit beurre dans les épinards. Selon plusieurs témoignages, en plus de leur salaire, les 70 policiers de la division des missions temporaires, encadrés par une dizaine d'officiers, reçoivent environ 400 euros de primes en moyenne par mois. "Ca peut être 200 un mois et 600 le suivant", confirme un agent. Au total, la cagnotte peut atteindre donc 300.000 euros par an, issus uniquement d'enveloppes remises par des délégations étrangères dont les plus généreuses seraient celles d'Afrique ou du Moyen-Orient.
Pourtant très organisée, la répartition de cette cagnotte crée des tensions qui se traduisent parfois même par des vols jamais élucidés et surtout jamais signalés. "Pour éviter tout problème, on laisse grossir la motte, mais seulement jusqu'à un certain point, explique un policier. A partir de 20 ou 30.000 euros, ça devient chaud et il faut redistribuer." Une redistribution attendue puisqu'elle entraîne des animosités autour du planning pour que les agents soient sûrs d'être présents.
Devoir de probité
Si la pratique semble désormais faire partie du service, certains policiers la dénoncent. "Dans l'histoire du service, on sait qu'il y a eu des moutons blancs, qui ont voulu dénoncer en interne cette pratique. Mais ils ont fini à l'abattoir", prévient l'un d'entre eux, retraité de la sous-direction de la protection des personnes. Un autre assure avoir voulu tout dévoiler. "On m'a déconseillé de le faire, confie-t-il. Dans le service, ceux qui gèrent la motte font la loi."