Les grenades de désencerclement, une arme policière très réglementée

Depuis le début des manifestations contre la loi Travail, 48 enquêtes ont été ouvertes par l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) pour violences policières. Les conclusions de celle sur la blessure d'un jeune homme de 28 ans le 26 mai dernier à Paris sont particulièrement attendues. De nombreuses vidéos publiées dans la presse laissent à penser que cet accident est la conséquence de l'utilisation d'une grenade à main de désencerclement (GMD) par les forces de l'ordre.
Deux enquêtes, une administrative et une autre judiciaire, ont été ouvertes. Selon nos informations, le policier identifié comme étant à l'origine du lancer doit être entendu mercredi dans les locaux de l'IGPN. Lundi, la victime Romain D. est sorti du coma dans lequel il était plongé depuis ce fameux 26 mai. Le jeune homme souffre d'un oedème cérébral et d'un enfoncement de la boîte crânienne.
> Qu'est-ce qu'une grenade à main de désencerclement?
Une grenade à main de désencerclement (GMB), encore appelé dispositif balistique de dispersion (DBD) ou dispositif manuel de protection (DMP), provoque une forte détonation d'un niveau sonore de 160 décibels (un avion au décollage en produit 140). Une fois lancée, ce dispositif projette, dans un rayon de 15 mètres 18 galets en plastique pesant chacun 9,3 grammes.
Elles sont fournies par les sociétés SAPL ou Alsetex.
> Depuis quand les policiers en sont-ils équipés?
En 2004, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur, décide d'équiper les policiers d'un véritable arsenal de défense. Outre le Taser, le ministère introduit les grenades à main de désencerclement. Classée parmi les armes non-létales, c'est-à-dire un outil conçu pour ne pas tuer ou blesser lourdement, ces grenades font partie des armes à feu.
> Quand les grenades de désencerclement doivent-elles être utilisées?
Si l'on considère que les grenades à mains de désencerclement ne peuvent tuer ou blesser lourdement, leur usage est strictement réglementé. Selon une circulaire datée de 2014 émanant du ministère de l'Intérieur, "les policiers et gendarmes sont souvent confrontés, au cours de leurs interventions, à la nécessité de maîtriser un ou plusieurs individus dangereux(...) sans que la situation n'exige pour autant le recours aux armes à feu".
Mais leur usage répond à des conditions précises d'utilisation définies par la loi: l'emploi de la GMB répond à une nécessité de légitime défense des personnes et des biens, à un état de nécessité face à un danger actuel ou imminent ou dans le cadre d'une mission de maintien de l'ordre public dans le cadre de la dispersion d'un attroupement.
Les gendarmes disposent eux d'un cadre légal qui leur est propre.
> Quelles sont les règles à respecter?
Les modalités d'emploi des grenades à main de désencerclement sont également très encadrées. Les policiers sont d'ailleurs formés spécialement pour leur emploi:
- les GMB doivent être lancées "au ras du sol, en direction du groupe d'éléments hostiles à disperser"
- sauf exceptions, l'usage de cet équipement intermédiaire doit se faire en extérieur
- le policier qui ferait usage de ce dispositif doit "prendre en compte dans son analyse les particularités environnementales afin de prévenir tous dommages collatéraux, tels que les risques pour les personnes se trouvant à proximité".
La circulaire précise également que "dans tous les cas d'usage de l'arme, que celui-ci soit suivi ou non d'une interpellation, les circonstances l'ayant justifié, les différentes diligences éventuellement accomplies et l'ensemble des actes subséquents devront systématiquement faire l'objet d'un compte-rendu précis".
> D'autres équipements déjà mis en cause
Ces nouveaux soupçons de bavure policière ne sont pas sans rappeler la mort de Rémi Fraisse en 2014 sur le site du barrage de Sivens. Le gendarme soupçonné d'avoir tué le jeune homme en lançant une grenade a été placé sous le statut de témoin assisté et l'information judiciaire a été requalifiée en "homicide involontaire".
Mais bien avant le temps judiciaire, Bernard Cazeneuve, le ministre de l'Intérieur a pris la décision en novembre 2014 de suspendre l'utilisation des grenades offensives qui contiennent du TNT. Cet équipement provoque un effet de souffle et une forte détonation.
