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"Le problème de la police, c'est la justice": les magistrats répondent à la phrase-choc du syndicat Alliance

Lors du rassemblement de policiers devant l'Assemblée nationale à Paris mercredi, le secrétaire général du syndicat Alliance a choqué bon nombre de magistrats en déclarant que "le problème de la police, c'est la justice".

Plusieurs milliers de policiers se sont rassemblés mercredi devant l'Assemblée nationale à Paris pour réclamer, entre autres, une plus grande fermeté de l'institution judiciaire à l’égard de leurs agresseurs.

"Le problème de la police, c'est la justice", a notamment déclaré à la tribune Fabien Vanhemelryck, secrétaire général du syndicat Alliance. De quoi provoquer l’indignation de certains magistrats, dont Évelyne Sire-Marin, qui a répondu à cette attaque sur BFMTV.

"Comme beaucoup de magistrats, je suis assez choquée, parce que nous travaillons tout à fait bien avec la police judiciaire, qui est notre interlocuteur".

Une "ligne rouge" franchie?

L’ancienne présidente du syndicat de la magistrature réfute également le supposé laxisme de l’institution judiciaire vis-à-vis des agresseurs de policiers, dénoncé par ces derniers lors du rassemblement.

"Les condamnations pour agressions de policiers ont doublé en 10 ans", assure-t-elle. Si Évelyne Sire-Marin reconnaît un manque d’effectifs dans la police, elle regrette que ce problème ne soit abordé "qu’en criant 'haro sur la justice'".

De son côté, l'Union syndicale des magistrats (USM) a appelé dans un communiqué diffusé après la manifestation des forces de l'ordre à "ne pas se tromper de cible". "L'USM exprime son soutien sans réserve aux policiers et gendarmes qui oeuvrent quotidiennement sur le terrain dans des conditions d'intervention difficiles. Les forces de l'ordre sont trop souvent la cible d'agressions, voire perdent la vie dans l'exercice de leurs fonctions, ce qui reste toujours inadmissible", peut-on y lire.

"Ce constat déplorable ne résulte pas d'un prétentu laxisme de la justice: les statistiques démontrent que les peines prononcées sont de plus en plus sévères, le taux de réponse pénale est particulièrement élevé et le nombre de personnes détenues a progressé de 60% en 20 ans. L'émotion légitime ne doit pas conduire à une surenchère répressive, dont l'efficacité n'est pas démontrée", ajoute le communiqué.

À l’Assemblée nationale, le ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti a lui-même vivement réagi aux accusations du syndicat de police Alliance.

"Il faut respecter la justice, il ne faut surtout pas diviser les institutions de la police et la justice, c’est franchir la ligne rouge".

Certains magistrats reconnaissent une "défaillance" de la justice

Mais tous les magistrats ne partagent pas l'analyse du ministre, comme Michel Dutrus, délégué général du syndicat Unité Magistrats SNM FO, interrogé par BFMTV. Rappelant que son organisation est la seule à avoir appelé les magistrats à venir soutenir les policiers dans la rue, il se montre sévère envers sa propre institution.

"La politique pénale de ce pays est totalement défaillante depuis une quinzaine d’années, et on en paye le prix. La justice sans la police est impuissante, mais la police sans la justice est arbitraire. Les deux sont indissociables."

Face à ce constat, Michel Dutrus appelle à la création d’états généraux de la sécurité, qui réuniraient autour d’une même table le ministre de la Justice, le ministre de l’Intérieur, et les syndicats de magistrats et de policiers.

Léa Marie