"Je pense tout de suite à Samuel Paty": les confidences de la professeure menacée pour avoir utilisé une photo de Soprano dans son cours
Elle a dû déménager à la suite de ce que le procureur a qualifié de "fatwa numérique". L'affaire, révélée par Le Parisien, remonte à décembre 2020, dans un collège de Trappes (Yvelines), quand cette professeure de SVT (Sciences de la vie et de la Terre), âgée de 34 ans, travaille en cours avec ses élèves sur l'évolution de l'homme. Dans un document sur le sujet, elle utilise la photo du rappeur Soprano pour illustrer l'Homo sapiens, soit l'homme moderne.
L'enseignante explique sur BFMTV avoir choisi cet artiste "pour deux raisons. La première parce que c'est un chanteur que j'admire", déclare-t-elle. Elle fait aussi ce choix "à la suite d'une réflexion en 2015 d'un élève qui effectivement s'était plaint de ne voir que des personnages blancs dans les cours et dans les manuels scolaires".

"Je pense tout de suite à Samuel Paty"
Quelques semaines après ce cours, un parent d'élève publie un morceau du document sur les réseaux sociaux, accompagné de ce commentaire: "y a rien qui vous choque ?" et "éducation nationale de merde", taxant la représentation de raciste et appelant à partager sa publication. La professeure est alors convoquée par le chef d'établissement qui ne la soutient pas, voire l'accable selon elle.
"Vous avez mis un homme noir à côté d'un singe, votre cours est raciste'', lui aurait-il déclaré.
"Il me dit que cela a été diffusé sur les réseaux sociaux. Au moment où il me dit ça, au fond de moi je m'effondre, parce que quand il me dit 'réseaux sociaux', je pense tout de suite à Samuel Paty, et je me dis que c'est mon tour", déclare-t-elle.
Le meurtre de Samuel Paty, professeur d'histoire, en octobre 2020 a profondément choqué le personnel enseignant. Il avait été décapité par un jeune islamiste à la suite d'une campagne de dénigrement sur les réseaux sociaux, pour avoir montré en classe des caricatures de Mahomet.
"Fatwa numérique"
D'après Le Parisien, le parent d'élève a fini par retirer sa publication le 1er février, et écrit "qu'après avoir discuté avec l’enseignante, il s’agit d’un malentendu, une grande maladresse de sa part. Charmante, elle s’est platement excusée." Mais le mal est fait pour la professeure qui continue d'enseigner, mais a changé de région.
L'auteur de la publication a été jugé le 15 novembre, écrit le quotidien, et condamné à six mois de prison ferme. Lors de l'audience, le procureur a qualifié les faits de "fatwa numérique".
De son côté, l'Académie de Versailles déclare avoir pris l'affaire très au sérieux. Elle rappelle avoir pris en charge les frais d'avocat de l'enseignante, lui avoir accordé la protection fonctionnelle, et assure mettre tout en oeuvre pour qu'elle obtienne l'affectation qu'elle souhaite à la prochaine rentrée scolaire.
