"Je n'arrive pas à parler d'eux": la conductrice du bus de Millas justifie son attitude jugée froide à son procès

Le bus après l'accident en décembre 2017. - Raymond Roig (AFP)
Le 14 décembre 2017 la collision d'un TER et d'un bus scolaire à Millas, dans les Pyrénées-Orientales, à hauteur d'un passage à niveaux, tuait six collégiens, en blessant grièvement huit autres. C'est la présence du car sur la voie - et donc la responsabilité éventuelle de la conductrice, Nadine Oliveira - qui interroge.
Depuis l'ouverture de son procès, lundi au tribunal correctionnel de Marseille, celle-ci s'en tient à sa version initiale, et assure ne pas avoir ignoré les signaux annonçant l'arrivée imminente d'un train. Une version des faits que le père de l'un des six morts a vu comme l'expression d'un "déni".
Ce mardi, c'est dans la presse que Nadine Oliveira a repris la parole, répondant aux questions de nos confrères de L'Indépendant depuis une salle annexe à celle où se déroule l'audience, lors d'une suspension. Elle a décrit le procès comme une épreuve, la qualifiant de "très très très difficile".
"Ça me replonge dans le jour où on a eu cet accident, ça me le fait revivre", explique-t-elle.
"Je suis restée bloquée au 14 décembre"
Outre les proches des enfants dont la vie a été fauchée lors de l'accident, certains des blessés du 14 décembre 2017 assistent aux séances. Ils ont produit une impression particulièrement frappante sur Nadine Oliveira.
"Je savais qu'il y avait de lourdes blessures, des morts, mais je n'arrivais pas à mettre une image dessus", précise-t-elle.
Pourtant, la volonté de l'accusée de ne pas croiser le regard des jeunes victimes a été notée. Elle s'en est expliquée.
"Moi, je suis restée bloquée au 14 décembre 2017 et pour moi ce sont toujours des enfants", a-t-elle introduit.
"En fait, depuis cinq ans, même avec mes psys, j'ai un psychiatre et un psychologue tous les quinze jours, ces enfants restent mes voisins, des petits que je voyais tous les jours. Moi-même étant une mère, je comprends très bien. Et pour moi, je me vois aller les chercher mais je ne me vois pas les déposer chez eux".
"Je n'arrive pas à parler d'eux"
Cette proximité doublée de sidération selon elle l'inhibe: "Je n'arrive pas à parler d'eux. Les enfants, c'est ma douleur, je n'arrive pas à l'extérioriser." Pour autant, elle a affirmé sa solidarité envers ses anciens passagers: "Je suis de tout cœur avec eux, j'ai beaucoup de peine pour eux, et je comprends très bien qu'ils m'en veuillent parce que pour eux c'est moi qui étais au volant."
"C'est ce sentiment de culpabilité que j'ai depuis le début et que j'espère un jour ils arriveront... je ne peux pas dire à oublier, parce que c'est gravé à vie", a-t-elle prolongé.
Elle a toutefois promis de passer outre ses difficultés pour dire ses regrets aux victimes. Enfin, "pas à eux directement", a-t-elle prévenu: "Je ne peux pas préparer de mots pour leur dire que je comprends leur douleur, ça sortira comme ça sortira. Je suis dans l'émotion."
