"Je me suis sentie naïve": elle se bat pour faire reconnaître l'erreur de diagnostic à l'origine du placement de son enfant

L'entrée de l'hôpital Robert-Debré dans le 19e arrondissement de Paris. - BENJAMIN GAVAUDO © 2019 AFP
Six ans plus tard, c'est avec des sanglots dans la voix et une certaine difficulté à trouver ses mots qu'Émeline Hautecoeur raconte le jour où les services sociaux lui ont retiré son enfant. Pendant quatre mois, étalés entre 2016 et 2017, elle n'a pu voir son nourrisson alors âgé de un mois quand il a été placé ponctuellement en raison d'un mauvais diagnostic médical.
Aujourd'hui, la jeune femme tente d'obtenir de la justice réparation et surtout la reconnaissance de ce qu'elle considère comme une erreur de l'hôpital parisien Robert-Debré. Elle vient d'être déboutée par le tribunal administratif de Paris.
"Je me suis sentie naïve, raconte-t-elle auprès de BFMTV.com. Je pensais vraiment que la justice reconnaîtrait qu'ils n'auraient pas dû faire un signalement."
"Il n'y avait que du mépris"
Le 29 novembre 2016, Émeline Hautecoeur et son compagnon emmènent leur fils Owen à l'hôpital de Corbeil-Essonne près de leur domicile francilien. Le nourrisson né sept semaines plus tôt présente alors un gonflement, inexpliqué, au niveau de la cuisse. Une première échographie est réalisée puis une radiographie qui confirme que l'enfant souffre d'une fracture. Le jeune patient et ses parents sont envoyés à l'hôpital Robert-Debré pour être plâtré.
"Dès que nous sommes arrivés, il y avait de la part de l'équipe médicale une suspicion de violences de notre part, explique Émeline Hautecoeur. Il n'y avait que du mépris de leur part."
Outre sa fracture, le nourrisson présente des "appositions périostées" pouvant évoquer des fractures anciennes. Une perquisition au domicile des parents est menée, ces derniers sont auditionnés par les services de police. L'état de l'appartement est jugé "problématique" au regard de la présence d'animaux. Le 7 décembre 2016, le procureur de la République de Melun ordonne le placement provisoire d'Owen. Pendant deux semaines, les parents pourront voir leur nourrisson deux heures par semaine.
Traumatisme
Le 23 décembre 2016, un juge des enfants du tribunal de Melun confirme ce placement dans l'attente de l'expertise médicale pour une durée de deux mois. Cette dernière va rapidement conclure que l'enfant souffre d'une carence en vitamine D, provoquant une fragilité osseuse, pouvant expliquer la fracture. Owen restera placé jusqu'en février 2017.
Dans son jugement, le tribunal pour enfants de Melun note que les parents d'Owen "sont inquiets des gestes qu'ils peuvent faire pour ne pas risquer une nouvelle fracture". "Le maintien du placement a évidemment été difficile à vivre pour les parents, vécu comme une injustice", précise la justice, évoquant la "souffrance" de ce couple, qui a "perdu confiance en sa capacité" à s'occuper de leur fils.
Le traumatisme de trois mois et demi de séparation, une tentative de suicide du père d'Owen pendant le placement, un couple qui a explosé après le retour du petit garçon, c'est aujourd'hui ce que veut faire reconnaître auprès de la justice Émeline Hautecoeur qui avait saisi le tribunal administratif de Paris pour faire condamner l'AP-HP - à laquelle appartient l'hôpital Robert-Debré.
"Quand on a des suspicions, qu'on fasse des examens, qu'on interroge les parents, c'est normal, estime la mère de famille. Mais ça n'aurait jamais dû aller jusqu'au placement. Cette décision n'a pas été pris dans l'intérêt médical de l'enfant mais pour préserver l'hôpital. S'ils avaient fait immédiatement des examens complémentaires, il y aurait eu immédiatement une prise en charge médicale adaptée d'Owen."
Un appel envisagé
Rappelant que l'hôpital avait l'obligation de signaler ses doutes, sous peine d'engager sa responsabilité, le tribunal administratif a considéré que ce n'est pas l'équipe médicale de Robert-Debré qui a ordonné le placement mais l'autorité judiciaire et que cette mesure n'est pas "automatique". La justice estime, qu'au regard "des éléments dont disposait l'équipe médicale", il ne peut être retenu à son encontre "un manque de prudence ou de circonspection".
Émeline Hautecoeur réfléchit "très sérieusement" à faire appel de cette décision rendue le 24 novembre dernier. "Le système est mal fait", conclut la mère de famille qui a rejoint l'Association de victimes de diagnostics erronés de maltraitance qui accompagne environ 350 familles.