Indemnisations versées aux policiers injuriés: y a-t-il des abus?

L'Inspection générale de l'administration (IGA) pointe des abus de policiers qui saisissent de manière répétitive la justice pour obtenir des dommages et intérêts. - -
Certains policiers victimes d'injures saisissent systématiquement et de manière répétée la justice afin d'obtenir, avec succès, des dommages et intérêts, s'inquiète l'Inspection générale de l'administration (IGA) dans un rapport. En effet, un policier victime de coups, outrages ou injures peut déposer plainte et bénéficie de la prise en charge de certains frais dont ceux d'avocats qui, selon les sources judiciaires, "font aussi parfois commerce de ces dossiers avec les policiers".
Selon le rapport, il y a annuellement plus de 20.000 dossiers de recours de protection fonctionnelle dans la police soit plus de 13 millions d'euros de dépenses en 2012, en hausse par rapport aux années précédentes. "Il est étonnant de constater que les montants sont près de 30 fois supérieurs dans la police par rapport à la gendarmerie pour des effectifs comparables et que dans le même temps les montants sont d’un même ordre de grandeur entre gendarmerie et enseignants alors que les enseignants sont environ sept fois plus nombreux", note l'IGA.
Moins de plaintes chez les gendarmes
"Faut-il assurer la PF ("protection fonctionnelle" ndlr) d’un policier qui se poste devant un local de dégrisement et reçoit alors des injures et outrages de la part d’une personne en état d’ébriété et qui souvent regrette ses propos une fois dégrisée ?", s'interroge le rapport. Ou encore: "Faut-il assurer la PF d’un policier qui va contrôler l’identité d’un SDF, apparemment alcoolisé, qui stationne sur la voie publique sans autre comportement répréhensible, et qui réagit en prononçant des injures ? Certains policiers, certes peu nombreux, se sont même faits une spécialité de ce type d’intervention au point que les juges les aient repérés et aient substantiellement réduit les dommages et intérêts accordés."
La situation est différente en ce qui concerne les gendarmes, selon le rapport. "Dans la gendarmerie, les outrages et les injures sont considérés comme 'faisant partie du métier' et ne donnent pas lieu à dépôt de plainte, et donc il n’y a pas recours à avocat", explique-t-il.
"Un marché" pour les avocats
"A Paris, cinq cabinets d’avocats, choisis au fil du temps, sans aucune mise en concurrence, se partagent 'un marché' d’environ 2,5 M€ annuel, qui leur garantit un revenu d’environ 40.000€ par mois et par cabinet", note encore le rapport. Il pointe que "dans certaines circonscriptions de police en province, le nombre de dossiers de PF pour outrage est d’autant plus élevé qu’un avocat en est spécialiste, fait sa propre publicité y compris dans les commissariats".
Le secrétaire général du second syndicat de gardiens de la paix, Alliance, qualifie ce rapport de "honteux". Jean-Claude Delage dénonce ces thèses qui jettent le discrédit sur la police et sur ses agents" et "attend un ferme démenti du ministre" de l'Intérieur. "L'IGA semble oublier la dangerosité du métier et passer sous silence la violence, de plus en plus prégnante" dont les policiers "sont les victimes".