"Incohérences", "dysfonctionnements": la Cour des comptes appelle à réformer la carte des zones police et gendarmerie

Des policiers et des gendarmes assistant à un discours du président de la République à l'école de police de Roubaix. - Ludovic Marin
Rétablir l'ordre. En septembre dernier, le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau - reconduit dans le gouvernement Bayrou - établissait ses priorités. Le tenant d’une ligne ferme a notamment demandé moins d'immigration et plus de sécurité, avec en ligne de mire notamment la lutte contre le narcobanditisme. Mais pour la Cour des comptes, la mise en œuvre du programme ministériel devrait passer par une réorganisation des zones police et gendarmerie sur le territoire.
Actuellement, cette répartition repose sur un système datant de 1941. En schématisant, les grandes villes sont le domaine de la police, le péri-urbain et la ruralité celui de la gendarmerie. Malgré le rattachement des forces de gendarmerie aux services du ministère de l'Intérieur, force est de constater l'immobilisme qui perdure dans cette répartition depuis 10 ans, sans prendre en compte l'évolution démographique ou celle de la délinquance, déplore la Cour des comptes dans un rapport rendu public ce lundi.
Des chiffres "au détriment du service rendu à la population"
À ce jour, la gendarmerie représente 50% du territoire pour plus de 95% de la population. Les chefs-lieux de ces zones rurales sont aux mains de la police. Peu importe la densité de ces préfectures, un commissariat, à effectif constant par rapport à d'autres zones plus peuplées, y est implanté. La Cour des comptes note alors plusieurs "dysfonctionnements". Par exemple, il y a plus de policiers par nombre d'habitants en Lozère que dans le département voisin du Rhône. Sauf que la délinquance y est cinq fois supérieure.
D'autres incohérences "au détriment du service rendu à la population" sont pointées par la Cour des comptes. À Toulouse, la police est maître dans les métros, mais à la surface, c'est la gendarmerie qui est compétente. L'aéroport Chambéry Savoie Mont-Blanc est implanté sur plusieurs communes, certaines sont le territoire des policiers, d'autres des gendarmes. Idem pour Narbonne, où la délinquance dans la ville sera maîtrisée par la police, quand celle des plages est gérée par la gendarmerie.
Pour les Sages, la carte est donc devenue "incohérente". "Plus d’une circonscription de police sur dix couvre une population inférieure à 20.000 habitants, quand les deux-tiers des communes intégrées à des métropoles sont en zone gendarmerie", écrivent-ils. L'une des recommandations est alors de transférer les petites circonscriptions et l'ensemble des départements ruraux, y compris les chefs-lieu, à la gendarmerie. La police devrait alors hériter des grandes agglomérations, les métropoles rassemblant un ensemble de petites communes jusqu'alors en zone gendarmerie.
"Il est désormais urgent que le ministère de l’Intérieur s’empare de ce sujet et procède aux ajustements nécessaires", écrit encore la Cour des comptes.
Une modification de la carte abandonnée en 2020
Ce sujet de la répartition des zones police et gendarmerie est "un vieux serpent de mer", note-t-on au syndicat Alliance police. En effet, des propositions avaient été avancées lors de la publication du Livre Blanc en novembre 2020. L'idée était alors que la gendarmerie s'implante dans les villes de moins de 30.000 habitants, la police dans celles de plus de 40.000. Entre les deux, la répartition des 250.000 policiers et gendarmes devait se faire au cas par cas, selon les intérêts locaux. Le projet semblait acté par le ministre de l'époque, Gérald Darmanin, avant que toute modification soit reportée.
Contacté par BFMTV.com, le ministère de l'Intérieur n'a pas réagi à la publication du rapport de la Cour des comptes. Pour le syndicat Alliance police, cette réorganisation est loin d'être une priorité et avant de penser à la cartographie des 150.000 policiers et 100.000 gendarmes, il y a "d'autres urgences" avec en tête le "budget". L'organisation évoque une problématique "très sensible" qui traite avant tout de l'"humain", avec derrière des policiers mais aussi des familles.
Balayée l'idée que police et gendarmerie ne travailleraient pas ou mal ensemble, le syndicat appelle à une démarche "plus globale". "Il y a effectivement une brutalisation et un ensauvagement de la société avec une délinquance et une criminalité plus violentes", estime-t-on au syndicat. "Mais avant de revoir la cartographie des forces de l'ordre, il faudrait s'interroger sur la place de tous les acteurs (le rôle parental, l'Éducation nationale, les travailleurs sociaux, le monde économique, la justice) en complémentarité."