Ils montent un guet-apens et enlèvent involontairement un bébé: 7 personnes mises en examen

L'homme a fait une chute d'une dizaine de mètres en tombant des falaises le long de la Garonne. - Valentine CHAPUIS / AFP
C'est une affaire rocambolesque, à plusieurs niveaux, de l'aveu même de différents acteurs du dossier. Un enlèvement qui tourne mal, avec la présence non souhaitée d'un bébé. Des victimes qui réussissent à s'échapper. Des kidnappeurs obligés d'acheter des couches pour l'enfant. Et une victime qui fait une chute de 10 mètres de haut tentant de sauter dans la Garonne. Autant d'éléments aujourd'hui entre les mains de la justice, comme l'a révélé La Dépêche du Midi.
Six hommes et deux femmes sont mis en cause pour l'enlèvement et la séquestration, en octobre 2023, de quatre personnes sur fond de trafic de drogue. Depuis le mois de mars, sept ont été mis en examen. Cinq ont été placés en détention provisoire, deux placés sous contrôle judiciaire. Un huitième est toujours en fuite et recherché par les enquêteurs de la Section de recherches de Toulouse, nous informe le parquet de Toulouse.
Guet-apens et achat de couches
Ce 25 octobre 2023, J., un jeune homme de 29 ans d'origine antillaise, se rend à Léguevin, à l'ouest de Toulouse. Il a rendez-vous avec d'autres personnes pour acheter une arme. En réalité, il s'agit d'un guet-apens. Cinq hommes, cagoulés et armés de revolvers et de couteaux, lui tombent dessus, le braquent, le violentent et l'enlèvent. Les kidnappeurs utilisent le fourgon Renault de location de J. pour prendre la fuite avec leur otage.
Une fois à l'intérieur du véhicule, les cinq hommes se rendent compte de la présence d'autres personnes dans le fourgon: un couple d'amis de J. mais surtout son fils âgé de seulement neuf mois. Pourquoi le père de famille est-il venu avec son enfant a une transaction d'arme ne cessera de se questionner l'un des mis en cause lors de sa garde à vue, selon une source proche du dossier.
Les deux hommes sont déshabillés, ligotés et bâillonnés et subissent de nombreuses violences. La femme elle n'est pas violentée. J. perd connaissance pendant une quinzaine de minutes. Mais les agresseurs paniquent. Que faire de l'enfant? Scène étonnante, ils vont faire un arrêt pour acheter des couches et du lait en poudre pour le bébé. Puis ils vont se rendre au domicile de leur cible pour tenter de récupérer de l'argent et des moto-cross. N'y parvenant pas, ils reprennent la route.
Une chute de 10 mètres
Arrivés à Saubens, à une trentaine de kilomètres de leur point de départ, les trois adultes réussissent à prendre la fuite, laissant l'enfant à bord du fourgon. On est aux alentours de 18 heures, le couple se réfugie chez des riverains. J. lui prend la fuite vers un chemin longeant les falaises qui surplombent la Garonne. Nu, ligoté et bâillonné, il va faire une chute d'une dizaine de mètres. Grièvement blessé, il est pris en charge par les secours, alertés par des témoins de cette chute. Il sera transporté au CHU de Toulouse dans la soirée.
Les kidnappeurs eux prennent la fuite. Ils vont alors confier l'enfant à une amie, elle-même l'ayant remis à une amie de sa famille. Le nourrisson est retrouvé dans la nuit à son domicile. Examiné à l'hôpital par des médecins, l'enfant est en bonne santé et n'a subi aucune violence. "Tous disent que l'enfant ne devait pas être là", relate Me Pierre Alfort, l'avocat de l'un des mis en cause qui a reconnu son implication dans l'enlèvement et les violences commises.
Du bicarbonate à la place de la cocaïne
Pourquoi monter un tel guet-apens? Qui en veut à J.? Selon la victime, l'origine de l'affaire se trouve dans un deal de drogue qui a mal tourné et une dette qu'il aurait envers un homme, actuellement incarcéré à la prison de Béziers pour trafic de stupéfiants et enlèvement, notamment. Le récit qu'il livre aux enquêteurs révèle une transaction d'un kilo de cocaïne, à 25.000 euros, entre le jeune frère du détenu et J. Sauf que la drogue n'était pas de la drogue mais du bicarbonate de soude. Le petit frère et ses complices seraient donc venus se venger.
Depuis les faits, les enquêteurs de la Section de recherches de Toulouse ont travaillé d'arrache-pied pour identifier l'équipe de kidnappeurs et leurs complices. Au total, dix personnes ont été placées en garde à vue. Au final, sept d'entre elles ont été mises en examen: le commanditaire présumé, quatre participants présumés au kidnapping et les deux femmes à qui l'enfant aurait été remis. Reste le cinquième membre de l'équipe de kidnappeurs toujours dans la nature.
Le commanditaire présumé nie
A la version des victimes s'oppose celles des mis en cause. L'homme désigné comme le commanditaire, qui se trouvait en prison au moment des faits, nie toute implication. Pour lui, J. le désigne car il se venge pour le compte de l'un de ses amis. Ce dernier a été victime d'enlèvement et de séquestration dans la première affaire qui vaut au commanditaire présumé d'être incarcéré. Contactés, ses avocats Mes Sarah Nabet-Claverie et Alexandre Parra-Bruguière n'ont pas souhaité faire de commentaire.
Ils défendent également le jeune frère de cet homme. En garde à vue, il a reconnu avoir monté l'opération visant à récupérer ses 25.000 euros après s'être fait duper en achetant un kilo de cocaïne. Il reconnaît avoir appris que J. cherchait une arme, l'avoir contacté via Snapchat et lui avoir donné rendez-vous. Il reconnaît les violences puis expliquent qu'il était absent lorsque les trois victimes majeures se sont enfuies. Il assure avoir jeté son arme dans le canal du Midi et avoir brûlé ses vêtements.
L'enquête se poursuit menée dans le cadre de cette information judiciaire confiée à un juge d'instruction toulousain. Les investigations doivent déterminer la responsabilité de chaque personne mise en cause mais aussi, peut-être, répondre à la question qui se pose. Pourquoi J. est-il venu avec son bébé pour acheter une arme?