Gérant en garde à vue, enquête ouverte... Ce que l'on sait des 150 jeunes vacanciers israéliens refusés d'un parc de loisirs

Porte-Puymorens, dans le département des Pyrénées-Orientales, dans le sud-ouest de la France le 3 janvier 2024. - ED JONES / AFP
Ce jeudi 21 août, 150 jeunes de nationalité israélienne et âgés entre 8 et 16 ans ont été refusés d'un parc de loisirs situé à Porté-Puymorens dans les Pyrénées-Orientales. Le gérant du parc a été placé en garde à vue et une enquête a été ouverte par le parquet de Perpignan.
• 150 jeunes Israéliens, en vacances, refusés à l'entrée d'un parc
Passant des vacances en Espagne, 150 jeunes de nationalité israélienne, âgés entre 8 et 16 ans, ont effectué une réservation "de longue date" pour le parc de loisirs aérien Tyrovol, situé à Porté-Puymorens (Pyrénées-Orientales). Ils sont passés par un tour-opérateur espagnol situé à Barcelone pour effectuer cette réservation, selon le parquet de Perpignan.
Mais les enfants se sont vu refuser l'entrée par la direction du parc. Ils ont été informés ce mercredi, soit la veille de leur venue prévue, qu'ils ne pourront pas accéder au site de loisirs, a-t-on appris de sources concordantes.
Le gérant aurait alors évoqué, auprès de plusieurs interlocuteurs, ses "convictions personnelles" pour ce refus et aurait invité ses employés à faire valoir leur droit de retrait, "avant d'avancer d'autres justifications auprès d'autres personnes", précise le communiqué de presse du parquet.
Une version niée par le responsable, qui avance de son côté les conditions météorologiques comme explication à la fermeture de son parc.
"Suite au fort épisode orageux d’hier, nous devons fermer le parc demain, jeudi 21 août, afin de réaliser une inspection complète de nos installations", est-il indiqué dans un message publié la veille sur les réseaux sociaux du parc de loisirs.
Les enfants ont donc changé leur plan. Le lendemain, à leur arrivée, ils ont été escortés, à bord de trois bus, par les gendarmes afin de se rendre sur un autre site, à savoir le lac de Matemale, à une cinquantaine de kilomètres du parc de loisirs initial.
"Le groupe de 150 vacanciers israéliens a modifié son planning, ce qui a sans doute permis d'éviter que la situation ne s'envenime, et s'est rendu à bord de trois bus, sur un autre site en France, dont la sécurité a été assurée par la gendarmerie, sans le moindre incident", explique le parquet de Perpignan.
• Le gérant, qui nie les faits, placé en garde à vue
Le gérant du parc, âgé de 52 ans, a été placé en garde à vue ce jeudi. Il est inconnu de la justice et "ne fait pas l'objet de mauvais renseignements", toujours selon le parquet. Face aux enquêteurs, l'homme a d'abord nié les faits. Face aux gendarmes il évoque désormais un argument "technique et de sécurité".
Il explique aux gendarmes avoir vécu l'an dernier une "mauvaise expérience" lors de la venue d'un groupe de jeunes Israéliens qui auraient eu "du mal à appliquer les consignes de sécurité du parc", du fait, selon lui, "de la barrière de la langue". Il avance "sa peur de générer des troubles" en accueillant ces jeunes.
Une enquête a été ouverte par le parquet de Perpignan pour "discrimination fondée sur la religion, la race, les origines ou la nationalité, dans le cadre de l'offre ou de la fourniture d'un bien ou d'un service ". Un délit puni d'une peine maximale de trois ans d'emprisonnement, poursuit le parquet.
Le parquet a co-saisi la Brigade de recherches (BR) de gendarmerie de Prades, ainsi que l'Office central de lutte contre les crimes contre l'humanité et les crimes de haine (OCLCH). "Trois enquêteurs spécialisés de cette unité de la gendarmerie (...) sont venus en appui et assistent les militaires locaux", annonce le parquet.
Selon une information de BFMTV, sa garde à vue initiale de 24 heures a été prolongée de 24 heures supplémentaires.
L’Observatoire Juif de France a annoncé se constituer partie civile dans cette affaire, "afin que toute la lumière soit faite et que justice soit rendue".
• "Stupéfaction" au sein de la commune de Porté-Puymorens
Le maire de la commune de Porté-Puymorens, Jean-Philippe Augé, décrit au micro de BFMTV la "stupéfaction" qui règne "dans le village". "Imaginez-bien une commune de 100 habitants avec un événement avec des retombées internationales, voire diplomatiques, bien sûr que cela fait réagir", déclare-t-il. "Notre commune repose sur le partage, la fraternité, on est un lieu de vacances".
"Si ces faits sont avérés, le conseil municipal et moi-même condamnerions avec la plus grande fermeté un tel acte parce qu'il est contraire aux lois de la République", abonde l'édile tenant à préciser que le parc de loisirs est une "société privée" sur un "terrain privé" qui n'a "aucun lien avec la municipalité".
"Je me tiens avec mon conseil municipal aux côtés des enfants qui auraient été refoulés de cette activité de plein air", assure-t-il.
Jean-Philippe Augé appelle sur BFMTV à "l'apaisement" pour que "la justice passe", et déplore des "messages haineux" reçus par la mairie.
• Pour le Crif, "un cap est passé dans l'antisémitisme"
Pour la présidente du CRIF Languedoc-Roussillon, Perla Danan, "un cap extrêmement alarmant est passé dans l'antisémitisme". "Nous sommes consternés", commente la présidente locale du Conseil représentatif des institutions juives de France au micro de BFMTV.
"Ça a commencé par des tags, des insultes, des sévices physiques, et là, c'est carrément une exclusion de jeunes enfants (...) Ce monsieur, il va mettre sur son établissement interdit aux juifs, c'est ça? On va en arriver là?", s'interroge-t-elle sur notre antenne. "C'est extrêmement grave".
Dans un communiqué, l’Observatoire Juif de France a lui aussi exprimé une "vive indignation" quant aux récents événements. L'avocate de cet observatoire, maître Corinne Serfati-Chetrit, confie sur BFMTV sa "stupéfaction" et son "émoi".
Elle dénonce elle aussi une "affaire symbolique, grave" qui "démontre qu'une nouvelle digue a cédé". "On a franchi un nouveau palier dans la gravité de la montée de l'antisémitisme", abonde-t-elle assurant que "l'image" qui lui vient "est celle de cette sombre période" de la Seconde Guerre mondiale "où les enfants juifs sont refoulés des établissements".
Corinne Serfati-Chetrit déplore par ailleurs "le manque de réactions politiques fermes" des pouvoirs publics et du "premier représentant de l'État", Emmanuel Macron, face à la montée de l'antisémitisme.
Depuis la Martinique, où il est en déplacement, le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau a de son côté condamné "une affaire grave" qui "s'inscrit depuis le 7 octobre 2023 dans un contexte où les actes antisémites sont en train d'exploser".
"Ce n'est pas notre conception de la République, de la dignité humaine", abonde-t-il disant espérer une réponse "très ferme de la justice" si les faits étaient avérés. "On ne peut rien laisser passer", assure le ministre.
Les actes antisémites sont en nette progression en France depuis le 7-Octobre 2023, date des attaques sans précédent du Hamas contre Israël et du déclenchement de la guerre à Gaza.
En 2024, 1.570 actes antisémites ont été enregistrés en France, contre 1.676 en 2023, selon un rapport publié le 22 janvier dernier par le Crif.