Gendarmes harceleurs: 6 et 8 mois de sursis, une interdiction d'exercer

La rue du Petit-Vouillac à Gond-Pontouvre, en Charente, où s'est noué le drame. - Capture d'écran Google Street View
Ces deux gendarmes ont fait vivre un calvaire à leur jeune collègue. Mardi, le tribunal correctionnel de Paris a condamné un adjudant et un maréchal des logis-chef âgés de 36 et 37 ans pour harcèlement sexuel. Les deux militaires avaient pris l'habitude de faire des propositions graveleuses à une jeune recrue de 24 ans.
L'adjudant Julien G., le plus gradé, a écopé de la peine la plus lourde, huit mois avec sursis, et 2.500 euros de dommages et intérêts, mais sans interdiction d'exercer, alors que le parquet en avait requis une, de cinq ans. Le maréchal des logis chef Ludovic F. a lui été condamné à six mois de prison avec sursis et 1.500 euros de dommages et intérêts. Comme le demandait la procureure, qui avait souligné son "habitude ancienne" de tenir des propos "particulièrement grossiers" aux femmes, il a aussi écopé d'une interdiction définitive d'exercer.
Pour ce qui concerne les peines, le tribunal n'a pas suivi le parquet, qui avait demandé un an avec sursis, sans faire la différence entre les deux hommes. L'avocate de la victime, la jeune Marie (son prénom a été modifié, ndlr), s'est malgré tout dite "très satisfaite" mardi. "Aujourd'hui dans la 'Grande muette' le silence c'est terminé, la parole est libérée", a dit Me Élodie Maumont, lançant: "Quel combat, quel combat long et douloureux."
Gestes obscènes et propositions graveleuses
A l'audience, Marie avait accablé ces deux gradés de la brigade de Joigny, sur les bords de l'Yonne, où elle a travaillé d'octobre 2012 à novembre 2013. "Ça te dit un plan à trois?" dans une voiture de patrouille aux sièges tachés de sperme; "Fais-moi une pipe"; "Les Réunionnaises, elles sont chaudes, montre-moi ce que tu sais faire".
Sans compter des "gémissements" sur son passage, ou un geste obscène mimé avec une matraque... "C'était normal, c'était habituel", avait-elle dit. Elle travaille désormais en région parisienne. Jacques Bessy, président de l'Association de défense des droits des militaires (Adefdromil), partie civile, a lui parlé de peines "exemplaires", et d'un "message très clair aux harceleurs qui servent dans l'armée."
Tous deux se sont étonnés du fait qu'aucune interdiction d'exercer n'ait été prononcée contre le plus gradé des gendarmes, mais rappelé que la procédure disciplinaire interne n'était pas terminée. L'avocate de Ludovic F., Me Véronique Costamagna, a estimé qu'il y avait dans la gendarmerie un "apprentissage (à faire) des deux côtés", hommes et femmes, ces dernières devant selon elle "s'abstenir de faire référence à leur féminité" au travail.
"On a essayé de minimiser les faits"
En février dernier, avant l'ouverture de leur procès, l'avocate de la victime avait raconté sur RMC le parcours difficile rencontré par la jeune gendarme. Après des mois de harcèlement, elle avait fini par trouver la force de porter plainte en novembre 2013.
"Au début, on a essayé de minimiser les faits. Lorsqu'elle a été entendue dans le cadre de l'enquête disciplinaire de la gendarmerie, on lui a clairement fait comprendre que ce qu'elle avait vécu n'était pas très grave. Il lui a dit que son nom était en rouge au sein de la gendarmerie nationale et qu'elle n'aurait pas satisfaction dans ses demandes de mutation", avait-elle rapporté.