Gendarmes et policiers, fonctionnaires planqués selon la Cour des comptes

Les syndicats dénoncent un rapport biaisé qui ne prend pas en compte les difficultés de la profession. - -
Certaines professions sont réputées pour être privilégiées, d’autres beaucoup moins. Et si les policiers et les gendarmes faisaient partie de la première catégorie ? C’est en tout ce que dénonce la Cour des comptes dans un rapport publié lundi et qui dévoile les avantages accordés aux policiers et aux gendarmes par rapport aux autres fonctionnaires. La Cour critique l'accumulation de « mesures catégorielles » telles que la revalorisation des grilles salariales et le relèvement des primes, et recommande une « pause salariale », c’est-à-dire un gel des salaires.
Des hausses de salaires trop importantes
Selon le rapport, le coût annuel des avantages accordés aux policiers et aux gendarmes a été largement supérieur aux économies résultant de la politique de non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux depuis 2006. Les dépenses de rémunération ont augmenté de plus de 10% dans la police, de plus de 5% dans la gendarmerie contre un peu plus de 4% pour l'ensemble des fonctionnaires.
La Cour stigmatise le système des heures supplémentaires des policiers, au final dans « l'impossibilité » de les récupérer et les accumulant au fil du temps : 19 millions d’heure, au total, resteraient à prendre, soit « 12 000 à 13 000 emplois sur une année ». Elle recommande également de « renoncer à l'objectif de parité des rémunérations » des deux forces de l'ordre envisagé au moment du rattachement des gendarmes à l'Intérieur, auparavant sous la direction du ministère de la Défense.
« Les gendarmes et les policiers sont relativement bien payés »
Michel Godet, économiste et professeur au Conservatoire national des arts et métiers, considère que la Cour des comptes dit vrai et doit être entendue. « Le gouvernement, s’il prenait en compte les rapports de la Cour des comptes depuis 30 ans, on ne serait pas dans l’état de déficit accumulé au kilomètre aujourd’hui ». Selon lui, la situation des policiers et gendarmes n’est pas à plaindre dans de nombreux cas, et même à l’origine de véritables aberrations. « Les gendarmes et les policiers sont relativement bien payés, et les horaires des policiers ne dépassent pas les 28h par semaine. Dans une ville comme Royan, des policiers sont partis à la retraite à 52 ans car à force d’accumuler les jours de RTT, ils avaient des années devant eux. Donc je pense qu’on va payer très cher les erreurs de gestion et de management du passé et le manque de courage de nos politiques ».
« Ils démarrent à 1700 euros par mois »
Pourtant, les syndicats de fonctionnaires ont réagi vivement à ces critiques, les jugeant infondées. C’est le cas de Yannick Danio, délégué national du syndicat Unité Police SGP-FO qui dénonce un rapport biaisé. « Je ne me considère pas comme un privilégié, car j’arrive presque à 30 ans de police, major, donc une position de cadre et de commandement, et je gagne 2 900 euros par mois. Ce que le rapport oublie de pointer, c’est que les gradés ont obtenu une revalorisation de leur grille il y a quelques années, mais un gardien de la paix qui travaille aujourd’hui en horaire décalé, le samedi et le dimanche, la nuit, qui peut être rappelé à toute heure si nécessaire, notamment dans les services de province, démarre à 1 700 euros par mois ».
« Vu la pénibilité du travail, je ne trouve pas ça cher payé »
Frédéric Jung est secrétaire départemental Unité Police SGP-FO dans le Val-d'Oise. Il veut aussi pointer du doigt les très nombreuses difficultés qu’ils peuvent rencontrer au quotidien et qui pourraient justifier un salaire légèrement supérieur à la moyenne. « Il faut savoir qu’un policier, quand il travaille un dimanche, il récupère trois heures. Au bout de trois dimanches effectués, vous aurez une journée de repos accordée, vous n’avez pas d’heures supplémentaires payées. Un policier, quand il se fait payer une journée de RTT, c’est à hauteur de 85 euros, c’est plus élevé dans d’autres fonctions publiques. Quand il fait les nuits, donc quatre jours de travail et deux jours de repos, il touche à peu près pour les nuits effectuées 300 euros par trimestre, donc une augmentation de salaire de 100 euros par mois. Je suis brigadier au deuxième échelon, et je dois toucher 2 300 euros. Vu la pénibilité du travail, je ne trouve pas ça cher payé ».