Fraude fiscale: l'inéligibilité des élus est-elle constitutionnelle?

Jérôme Cahuzac à l'Asssemblée le 11 décembre 2012. - -
Dans sa déclaration du 3 avril, François Hollande a fait trois annonces qui ont pour but de moraliser la vie politique de la France. L'une d'elle vise à exclure de tout mandat public les élus reconnus coupables de faits de corruption ou de fraude fiscale.
Si la mesure se veut automatique, elle concernera des durées "proportionnelles à la faute commise", précise l'Elysée à BFMTV. La loi française, et en particulier sa Constitution, autorise-t-elle ce projet? Maître Didier Seban, spécialiste du droit public et constitutionnel, répond.
François Hollande a annoncé que "les élus condamnés pénalement pour fraude fiscale ou corruption seront interdits de tout mandat public." Est-ce compatible avec notre Constitution?
J’imagine que ce que prévoit Hollande, c’est que pour ces délits, une peine complémentaire puisse être prononcée.
Le juge qui entre en voie de condamnation pour infraction pénale prononce une peine qui va être en fonction de la gravité du délit, et peut assortir cette peine de sanctions complémentaires prévues par la loi. Cela peut être l’interdiction des droits civiques, par exemple.
Pour ce type de délit (corruption et fraude fiscale), il n’est pas prévu d’infliger une peine complémentaire, mais peut-être que c’est cette possibilité qui est aujourd’hui évoquée par le président de la République.
L’automaticité pose-t-elle problème ?
Il n’y a pas d’automaticité en ce qui concerne les peines complémentaires, ce ne serait pas constitutionnel. En revanche, le juge peut bien sûr priver de ses droits civiques des personnes qui sont condamnées.
On pourrait éventuellement dire que pour exercer une telle fonction, il faut présenter un casier vierge, faire une décision d’ordre général qui s’appliquerait à tous.
C’est donc possible pour les affaires à venir. Mais est-ce que cela peut concerner des personnes déjà condamnées ?
Non, on ne peut pas créer de peine aggravant la situation sur des faits déjà existants pour prononcer une sanction.
Il faut que ces peines existent au moment où les délits ont été commis. Cela pose un problème pour la peine complémentaire mais aussi pour une loi d’ordre général, je ne suis pas certain que ça soit possible parce que ça voudrait dire, encore une fois, infliger a quelqu’un une sanction qui n’existait pas au moment des faits.
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