Fenêtres cassées, hygiène douteuse... Les images de l'école juive orthodoxe soupçonnée de séquestrations et maltraitance

Dans la religion juive, le Talmud est un ensemble de commentaires de la bible hébraïque en vue de dégager des règles de vie. Mais les témoignages et les éléments recueillis pour l'heure par la justice font état de considérations bien moins éthiques au sein de l'école talmudique de Bussières en Seine-et-Marne, visée lundi matin par une opération de gendarmerie.
Il s'agit là de la dernière étape en date d'une enquête lancée en juillet dernier après la fuite de certains des pensionnaires de l'établissement juif orthodoxe. La structure fait face à de lourds soupçons: séquestrations et maltraitances à l'égard de ses élèves, dont beaucoup sont mineurs. Ses responsables ont été placés en garde à vue. BFMTV s'est rendu sur place et a pu se procurer des images des lieux.

Fenêtres cassées, portes béantes...
Des fenêtres cassées, des portes battant au vent, impossibles à fermer. Le décor capturé par nos caméras, envoyées ce mardi dans ce domaine solitaire situé à Bussières, en Seine-et-Marne, prête au courant d'air. Pourtant, il est soupçonné d'avoir enfermé un douloureux huis clos.
Car si notre équipe a pu constater que la plupart des enfants n'étaient plus présents au sein de l'établissement, la Yeshiva Beth Yossef, au lendemain du passage des forces de l'ordre, relevant pour principale présence les familles de membres du personnel, celui-ci est soupçonné d'avoir séquestré ses élèves - dont beaucoup étaient israéliens ou américains-, de les avoir maltraités et astreints à vivre dans des conditions insalubres. A charge pour l'enquête désormais d'établir la véracité des faits et de dégager les responsabilités.

Premiers signalements
Pour comprendre la tempête judiciaire qui s'abat sur cette école juive (ultra) orthodoxe, il nous faut revenir quelques mois en arrière.
Le 12 juillet dernier, la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires - la fameuse Miviludes - émet un signalement en direction du parquet de Meaux. Cette communication succède elle-même à une alerte précédente, effectuée cette fois, comme l'a précisé lundi soir le parquet de Meaux dans un communiqué, par le Centre Laraéli pour les victimes de cultes.
Cette association israélienne s'inquiète des agissements présumés de l'école de Bussières. Accueils d'enfants non-déclarés, violences diverses, privation d'accès aux soins, à l'éducation, ruptures contraintes avec les familles, conditions hygiéniques aberrantes... Le tableau est particulièrement sombre.
Les fuites
Il est de plus corroboré par les faits dénoncés par un enfant qui vient alors de se réfugier à l'ambassade américaine, après avoir réussi à s'extirper de la Yeshiva Beth Yossef. Courant juillet toujours, le parquet de Meaux ouvre alors une enquête, confiée à la section de recherche de Paris. Ses chefs: séquestration en bande organisée, violences aggravées, privations de soins et d’aliments, abus de faiblesse aggravé.
Il apparaît bientôt qu'à l'interdiction de voir sa famille, se sont ajoutées des confiscations de papiers d’identité. Tandis que les soupçons de séquestration portent sur des mineurs israéliens ou américains, on remarque encore que l'isolement est ici redoublé par le fait que les enfants en question ne maîtrisent pas le français.
Le communiqué du parquet de Meaux, publié ce lundi en fin de journée et qui évoque explicitement ces craintes de maltraitances et de "conditions de vie dégradées", note encore qu'après cette première fuite, plusieurs jeunes pensionnaires parviennent eux aussi à s'échapper, en novembre puis en décembre derniers. Les témoignages se recoupent. Ils sont encore renforcés par la parole d'anciens inscrits, sollicités par les enquêteurs.

Gendarmes, Aide à l'Enfance et rabbin: une opération de grande ampleur
D'après le communiqué de la procureure de la République de Meaux, Laureline Peyrefitte, ce lundi soir, les investigations ont aussi montré que le bâtiment accueillant ces pensionnaires forcés avait écopé d’un arrêté municipal de fermeture au public en raison de son délabrement et que son accès en avait été refusé aux membres de la préfecture dépêchés sur place.
Ce recueil préalable d'éléments nourrit un dossier accablant et l'heure d'agir sonne donc ce lundi, avec l'opération conduite par la gendarmerie au sein de l'établissement talmudique. En plus des gendarmes, l’opération a impliqué le secours des services de l’Aide sociale à l’Enfance, de médecins légistes, et même d’un rabbin. La présence de l'officiant se justifiant par la volonté d'"assurer le respect des rites religieux essentiels aux mineurs", selon le bureau de la magistrate.
La justice va s'intéresser au volet financier
Les responsables ont été interpellés et placés en garde à vue afin d'être entendus. Le Parisien, qui a rapporté l'information initialement dès ce lundi, a chiffré ces gardés à vue à 16. Si l'école s'est quasiment vidée de ses occupants, elle admettait encore 40 élèves mineurs et 20 majeurs ces derniers jours, d'après les comptes dressés par le journal francilien.
Enfin, d'après le communiqué du parquet de Meaux, la justice scrute également le fonctionnement général du site, c'est-à-dire aux plans financier, fiscal et administratif.
