Ethylotests obligatoires : les raisons de la volte-face de Valls

Contralco, qui a oeuvré en faveur de l'obligation, est le premier fournisseur européen d'éthylotests à usage unique. - -
En remettant en cause, à mots à peine couverts, ce matin sur Europe 1, l'utilité des éthylotests, Manuel Valls a créé la surprise. Avant d'éventuellement revenir sur le décret du 1er mars dont l'application a été repoussée au 1er mars 2013, le ministre de l'Intérieur veut recueillir l'avis du Conseil national de la sécurité routière. Il n'en reste pas moins que de nombreux arguments plaident en défaveur des éthylotests chimiques dits à 1 euro, dont la détention deviendrait obligatoire dans chaque véhicule.
Une mesure fruit d'un lobbying réussi ?
Chantal Perrichon, présidente de la Ligue contre la violence routière est ainsi l'une des plus virulentes opposantes à ce décret. Pour elle, cette obligation découle de la seule action des lobbies industriels. Dans un éditorial de la revue Pondération n°91, elle explique que cette "mesurette prise au doigt mouillé" est l'œuvre du lobbying réussi du fournisseur Contralco.
En 2011, l'association I-Tests pour la promotion du dépistage d'alcoolémie et des drogues avait été créée. Le but était de porter la solution de type éthylotest chimique voulue par Nicolas Sarkozy et l'ex-délégué à la Sécurité routière Jean-Luc Nevache. Selon ce dernier, 500 vies pourraient être sauvées par cette mesure. Difficile dès lors, d'aller contre. Une initiative louable à ce détail près que le président de cette association, Daniel Orgeval, était également chargé de mission chez Contralco, leader européen de l'éthylotest chimique.
Une fiabilité remise en cause
Autre argument de poids, la fiabilité des éthylotests chimiques est aussi, depuis de nombreuses années, remises en cause. Déjà en 2002, le CISR (Comité interministériel à la sécurité routière) pointait "les éthylotests chimiques notoirement peu sensibles dans une utilisation de terrain (temps froid, éclairage défectueux, temps d'attente insuffisant)".
Une réalité là encore soulignée par Chantal Perrichon qui déclare redouter un grand nombre de "faux négatifs". Ce point de vue est d'ailleurs partagé par François Hollande. A l'époque où il était candidat à la présidence de la République, il avait dans un courrier adressé aux associations de sécurité routière, fait état d'un manque de fiabilité risquant "d'induire en erreur le conducteur".
L'auto-contrôle : une vaine utopie ?
Un dernier point, capital s'il en est, tient au comportement même des automobilistes.
Sur RMC.fr Chantal Perrichon expliquait : "dans 80% des accidents mortels dans lesquels l’alcool est impliqué, l’alcoolémie est supérieure à 1,2g/l. Il est évident que celui qui a une alcoolémie de ce niveau n’ira jamais se tester. Mais rien ne l’empêchera de prendre le volant pour autant". Le candidat Hollande lui emboîtait là encore le pas en déclarant que "la grande majorité des accidents est le fait de conducteurs qui savent être au-dessus de la limite légale".
Les éthylotests toxiques ?
Pour achever ce tableau déjà accablant pour les éthylotests chimiques, plusieurs associations ont relevé la présence de substances toxiques comme le bichromate de potassium et le chrome III. Des produits qui posent à la fois des problèmes de santé publique et environnnementaux.
Au regard de ces arguments la survie de l'éthylotest paraît pour le moins compromise.