"Envoyé Spécial" attaqué en diffamation par des habitants de Grenoble

Le quartier de la Villeneuve, à Grenoble, en décembre 2012 - -
Ils se sont sentis "trahis". Des habitants d'un quartier sensible de Grenoble, s'estimant diffamés par un documentaire diffusé dans le cadre de l'émission Envoyé Spécial, ont attaqué en diffamation France Télévisions. Le procès en correctionnelle s'est tenu jeudi.
Environ 200 habitants du quartier, ainsi que plusieurs conseillers municipaux, avaient pris place sur les bancs de la salle d'audience et dans le hall du tribunal de Grenoble pour dénoncer ce reportage intitulé "Villeneuve: le rêve brisé", diffusé le 26 septembre dernier sur France 2.
Un élu et des habitantes du quartier se sont succédé à la barre pour faire part de leurs griefs. "C'est un reportage qui a choisi un angle très stigmatisant, qui a choqué beaucoup de monde", a ainsi déclaré Jérôme Safar, ancien adjoint au maire (PS) de Grenoble.
"Une accumulation de clichés"
Cité expérimentale des années 1970, la Villeneuve de Grenoble, théâtre d'émeutes en avril 2010, est dépeinte dans ce documentaire comme un quartier gangrené par la violence. On y voit notamment un jeune masqué tirer de nuit sur un panneau avec une arme à feu en plein coeur du parc central.
"C'est une accumulation de clichés (...) un reportage à charge qui manque complètement d'objectivité", a fustigé Me Thomas Fourrey, avocat de l'association d'habitants poursuivant France Télévisions.
Il a rappelé que le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) avait reproché à France 2 un "manquement" à ses "obligations déontologiques" pour ce reportage "pas suffisamment équilibré".
"On a été traité par le mépris"
"On n'a pas été entendu, on a été traité par le mépris", a estimé Pauline Damiano, présidente de l'association d'habitants. Cette démarche en justice, "c'est la dernière solution pour faire entendre notre indignation", a-t-elle ajouté.
L'auteur du documentaire, Amandine Chambelland, et le président de France Télévisions, Rémy Pfimlin, appelé à la barre, n'avaient pas fait le déplacement.
L'avocat de France Télévisions, Me Eric Semmel, a cependant expliqué que l'angle du reportage était "d'aller sur le terrain pour constater un état de violence que personne ne conteste dans ce quartier de Grenoble". Il a demandé la condamnation de l'association pour "procédure abusive".
Le tribunal a mis son jugement en délibéré au 26 juin.