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Enfants "sauvages" de La Courneuve: le point sur l'enquête

La façade de l'immeuble où vivait le couple cité des 4.000 à La Courneuve, en Seine-Saint-Denis.

La façade de l'immeuble où vivait le couple cité des 4.000 à La Courneuve, en Seine-Saint-Denis. - Crédits photo : nom de l'auteur / SOURCE

Trois garçons de moins de 6 ans ont vécu reclus toute leur vie dans un appartement de La Courneuve, en Seine-Saint-Denis. Les services sociaux ont été alertés quand la mère a accouché de la quatrième, le 1er janvier dernier.

C'est une barre HLM remplie de balcons grillagés émaillés de paraboles à la cité des 4.000 à La Courneuve, en Seine-Saint-Denis. Parmi les 300 appartements, une porte rouge et anonyme au 7e étage, où seul figure un message en tamoul. Derrière celle-ci, trois enfants de 2, 5 et 6 ans ont vécu reclus depuis leur naissance. Les services sociaux, la police puis les voisins n'ont appris leur existence qu'après la naissance d'un quatrième enfant au début de l'année.

Après la révélation dans les médias de l'existence de ces enfants et l'ouverture d'une enquête par le parquet de Bobigny, BFMTV.com fait le point.

> Comment a-t-on découvert les enfants?

Le jour de l'An, une petite fille naît à la maternité de l'hôpital Delafontaine de Saint-Denis. Alerté par la situation de vulnérabilité de sa mère, qui accouche là pour la première fois, le personnel décide de contacter la Protection maternelle et infantile indique ce vendredi Le Parisien (lien payant). A son tour, la PMI effectue un signalement au service du Conseil général de Seine-Saint-Denis qui recense les cas d'enfants maltraités dans le département.

Les services sociaux découvrent alors l'existence de trois autres enfants, qu'ils trouvent dans l'appartement. Trois garçons de 6, 5 et 2 ans. L'enquête démontre vite que les quatre enfants "ne sortaient pas, ou très très peu", selon une source proche du dossier citée par l'AFP. De même, ils n'avaient jamais été scolarisés, pas vaccinés et ne voyaient pas de médecin.

> Quel est l'état des enfants?

Les aînés présentent "des troubles majeurs du développement", selon les premiers éléments communiqués par le parquet de Bobigny jeudi. Ils sont par exemple incapables de marcher ou de parler correctement. L'état de santé des deux plus jeunes, en revanche, semble "normal".

La PMI décide en premier lieu d'hospitaliser les deux aînés du fait de leurs carences. Tous les enfants se partageaient vraisemblablement une chambre sans mobilier hormis des matelas, et n'avaient pas de jeux. Mais s'ils vivaient dans un dénument extrême et semblaient livrés à eux-mêmes, "aucun d'eux ne semble avoir été victime de sévices", souligne un intervenant social au Parisien vendredi. Le parquet a rendu les mêmes conclusions.

Après leur hospitalisation de plusieurs semaines, les deux enfants les plus âgés ont été placés dans une institution spécialisée pour handicapés. Les deux plus jeunes, eux, ont été placés en famille d'accueil.

> Qui sont les parents?

Les deux parents, âgés de 33 et 27 ans, ont été placés en garde à vue le 11 février, puis mis en examen pour "privation de soin par ascendant". Un délit qui, lorsqu'il compromet la santé d'un enfant,
est puni de 7 ans de prison et 100.000 euros d'amende.

Ce couple originaire de la région de Pondichéry, en Inde, s'était installé dans la cité des 4.000 il y a à peu près 6 ans, c'est-à-dire approximativement au moment de la naissance de leur premier fils. Leur appartement n'était "pas très propre, pas très bien rangé, mais ce n'était pas un dépotoir non plus", a indiqué une source proche de l'enquête à l'AFP.

Aucun des deux parents ne travaillait, et la mère s'exprimait très mal en français. Selon leurs premières déclarations, ils "n'avaient absolument pas pris conscience" de la situation, a communiqué la même source.

> L'existence des enfants était-elle connue?

Le couple avait déclaré ses enfants, puisqu'il touchait des allocations pour eux. Mais les enfants n'étaient pas connus des services de l'enfance.

Et à l'intérieur de l'immeuble? La famille n'avait qu'un seul voisin de palier, un homme également originaire de Pondichéry qui habite dans cette barre depuis 2005, selon Le Parisien. A BFMTV, il a indiqué n'avoir "jamais vu d'enfant venir ou partir, seulement le monsieur sortir de sa maison". Il entendait bien, de l'autre côté de la cloison, "des enfants parler, pleurer, jouer" et "des petites disputes". Mais rien qui pouvait éveiller son attention sur quelque chose d'anormal: il pensait à l'existence "d'une vie de famille tranquille".

Pour déterminer d'éventuels dysfonctionnements qui ont conduit au drame, le Défenseur des droits, Dominique Baudis, s'est auto-saisi du dossier jeudi. Quant à l'enquête, elle a été confiée par le parquet de Bobigny à la sûreté territoriale de Seine-Saint-Denis.

Mathilde Tournier et vidéo Laetitia Soudy et Florian Brunet